La lance de Saint Georges
ville sortît rarement de ses murs
pour affronter les pillards. Guingamp se trouvait au sud. À l’ouest, il y avait
Lannion, une ville bien plus petite avec une garnison bien plus belliqueuse
menée par messire Geoffroy de Pont Blanc. Ce chevalier avait fait le serment de
ramener à Lannion les pillards de Skeat enchaînés. Il annonça que les Anglais
seraient brûlés sur la place du marché de Lannion parce qu’ils étaient des hérétiques,
des suppôts du démon.
Une pareille menace ne causait aucun souci à Skeat.
— Cela pourrait me faire perdre un peu de sommeil si ce
pauvre imbécile disposait d’archers convenables, dit-il à Tom, mais il ne les a
pas, alors il peut se vanter tant qu’il veut. C’est son vrai nom ?
— Geoffrey du pont blanc.
— Le corniaud. Est-il Breton ou Français ?
— On m’a dit qu’il était Français.
— Alors faut lui donner une leçon, tu ne crois
pas ?
Messire Geoffroy s’avéra un élève récalcitrant. Will Skeat
traîna ses basques de plus en plus près de Lannion, brûlant des maisons en vue
des remparts pour tenter d’attirer messire Geoffroy dans une embuscade, mais
celui-ci avait bien compris ce que les flèches anglaises pouvaient faire contre
des chevaliers montés, aussi refusa-t-il de conduire une charge désordonnée qui
se serait inévitablement terminée par un empilement de chevaux hennissant et
d’hommes perdant leur sang. Au lieu de cela, il se mit à la recherche d’un
endroit où il pourrait tendre une embuscade aux Anglais, mais Skeat n’était pas
plus bête que messire Geoffroy et pendant trois semaines les deux groupes se
pourchassèrent mutuellement. La présence de messire Geoffroy retardait Skeat,
mais n’arrêtait pas les destructions. Par deux fois, les deux troupes se rencontrèrent
et les deux fois messire Geoffroy fit avancer à pied ses arbalétriers dans
l’espoir qu’ils pourraient exterminer les archers, mais les deux fois ce furent
les flèches, avec leur portée plus longue, qui eurent le dessus et messire
Geoffroy se retira sans livrer une bataille qu’il savait devoir perdre. Après
une deuxième confrontation non concluante, il fit même appel à l’honneur de
Skeat. Il s’avança sur son cheval, seul, revêtu d’une armure aussi belle que
celle de sir Simon Jekyll, bien que le heaume de messire Geoffroy fut un vieux
pot percé de deux trous pour les yeux. Son surcot ainsi que le harnachement de
son cheval étaient en tissu bleu marine sur lequel étaient brodés des ponts
blancs. Le même blason ornait son écu.
Il portait une lance peinte en bleu à laquelle il avait noué
une écharpe blanche pour indiquer qu’il venait parlementer. Skeat s’avança vers
lui accompagné de Thomas comme interprète. Messire Geoffroy ôta son heaume et
passa une main dans ses cheveux collés par la sueur. C’était un homme jeune
avec des cheveux blonds, des yeux bleus et un large visage jovial. Thomas eut
le sentiment qu’il aurait probablement bien aimé cet homme s’il n’avait pas été
un ennemi. Messire Geoffroy eut un sourire quand les deux Anglais arrêtèrent leurs
chevaux devant lui.
— C’est une triste chose, dit-il, d’envoyer des flèches
à nos ombres respectives. Je vous suggère d’amener vos hommes au centre du
champ de bataille et que nous nous y rencontrions d’égal à égal.
Thomas ne se soucia même pas de traduire car il savait ce
que serait la réponse de Skeat.
— J’ai une meilleure idée, dit-il, amenez vos soldats,
nous amènerons nos archers.
Messire Geoffroy parut déconcerté.
— Est-ce vous qui commandez ? demanda-t-il à
Thomas.
Il avait pensé que Skeat, plus vieux et grisonnant, était le
capitaine, mais celui-ci gardait le silence.
— Il a perdu sa langue en combattant les Écossais,
alors je parle à sa place, dit Thomas.
— Alors dites-lui que je veux un combat loyal, dit vivement
messire Geoffroy. Que mes cavaliers affrontent les vôtres.
Il sourit comme pour suggérer qu’il faisait une proposition
raisonnable et chevaleresque.
Thomas la traduisit à Skeat qui se tourna sur sa selle et
cracha dans le trèfle.
— Il dit, commenta Thomas, que nos archers
rencontreront vos hommes. Une douzaine d’archers contre une vingtaine de vos
soldats.
Messire Geoffroy hocha tristement la tête.
— Vous autres Anglais, vous n’avez aucun sens de la
loyauté, dit-il.
Puis il remit son heaume sur sa tête et partit. Thomas
expliqua à Skeat ce qui
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