La lance de Saint Georges
hommes étaient plus
nombreux que les cavaliers anglais, il ordonna à trente d’entre eux de
rejoindre les arbalétriers. Désormais les deux troupes de cavaliers étaient
égales et messire Geoffroy s’avança sur son grand étalon noir revêtu d’un
capiton bleu et blanc et d’un masque en cuir bouilli qui lui recouvrait le
chanfrein. Sir Simon chevauchait à sa rencontre dans sa nouvelle armure, mais
son cheval n’avait pas de protection capitonnée ni de têtière. Et il voulait
l’un et l’autre, tout comme il voulait le combat. Pendant tout l’hiver il avait
enduré les misères d’une guerre de paysans, faite de boue et de meurtre, et
maintenant l’ennemi offrait l’honneur, la gloire et la possibilité de capturer
de beaux chevaux, des armures et de bonnes armes. Les deux hommes se saluèrent
en inclinant leurs lances puis échangèrent noms et compliments.
Will Skeat avait rejoint Thomas dans les bois.
— Tu as peut-être la tête pleine de coton, Tom, lui
dit-il, mais il y a encore plus stupide que toi. Regarde donc ces deux
imbéciles ! Ils n’ont pas plus de cervelle l’un que l’autre. On pourrait
les suspendre par les pieds et les secouer, il ne leur sortirait rien des
oreilles à part de la crotte sèche.
Messire Geoffroy et sir Simon s’entendirent sur les règles
du combat. C’étaient celles d’un tournoi, mais d’un tournoi à mort pour corser
le jeu.
Ils convinrent qu’un homme tombé de cheval sortirait du
combat et serait épargné, mais qu’il pourrait être fait prisonnier. Ensuite,
ils se souhaitèrent bonne chance et chacun retourna auprès de ses hommes.
Skeat attacha son cheval à un arbre et prit la corde de son
arc.
— À York, dit-il, il y a un endroit où on peut regarder
les fous. Ils sont enfermés dans une cage et moyennant une petite pièce on peut
aller se moquer d’eux. On devrait enfermer ces deux crétins dans la même cage.
— Mon père a été fou pendant une période, dit Thomas.
— Ça ne me surprend pas, mon gars, ça ne me surprend
pas du tout.
Skeat plaça la corde sur son arc gravé de croix.
Depuis la lisière du bois, ses hommes observaient les
cavaliers. Le spectacle était prodigieux. C’était comme un tournoi, à cette
différence qu’il n’y avait pas de maréchal pour sauver la vie d’un homme. Les
deux groupes se préparèrent. Les écuyers resserrèrent les sangles des chevaux,
les cavaliers soulevèrent leurs lances et s’assurèrent que les poignées de
leurs écus étaient bien ajustées. Les visières claquèrent, transformant le
monde des cavaliers en un lieu sombre coupé d’une bande de lumière. Ils
lâchèrent leurs rênes car à partir de cet instant les destriers bien entraînés
ne seraient guidés que par une pression des genoux ou une touche d’éperon. Les
cavaliers avaient besoin de leurs deux mains pour tenir l’écu et les armes.
Certains portaient deux épées, une lourde pour la taille et une plus fine pour
l’estoc. Ils s’assurèrent qu’elles glissaient facilement hors de leurs
fourreaux. Quelques-uns confièrent leur lance à leur écuyer le temps de faire
un signe de croix. Les chevaux piaffaient sur la pâture. Messire Geoffroy
abaissa sa lance pour indiquer qu’il était prêt et sir Simon fit de même. Les
quarante hommes éperonnèrent leurs grands chevaux. Ce n’étaient pas les fines
juments et les hongres montés par les archers, mais de lourds destriers, des
étalons capables de porter le cavalier et son armure. Les bêtes renâclèrent,
levèrent la tête et partirent au trot tandis que les cavaliers abaissaient
leurs lances. L’un des hommes de messire Geoffroy commit une erreur de novice
en abaissant trop sa lance dont la pointe piqua l’herbe sèche. Ayant eu la chance
de ne pas être démonté, il abandonna sa lance et tira son épée. Les cavaliers
éperonnèrent leurs montures pour les mettre au galop. L’un des hommes de sir
Simon obliqua sur la gauche, probablement parce que le cheval manquait
d’exercice, et se heurta au cheval le plus proche. Cette collision se répercuta
sur toute la ligne pendant que les éperons poussaient les chevaux au galop.
Puis ce fut le choc.
Le bruit des lances de bois heurtant les écus et les cottes
de mailles produisit un craquement qui faisait penser à des os qui éclatent.
Deux cavaliers furent poussés hors de leurs hautes selles mais la plupart des
coups de lance avaient été déviés par les écus. Les cavaliers
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