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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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équitablement, sans partialité.
    Mahé ébaucha un vague sourire.
    – Un tribunal présidé par un Américain, il y verrait surcroît de cynisme de notre part…
    Valencey d’Adana secoua négativement la tête.
    – Mais enfin, Mahé, de quoi parlons-nous, à la fin?… Le juger?… Mais il faudrait d’abord le prendre et là, les chiffres ne sont pas nos amis. Nous nous battrons à un contre cinq en notre défaveur. À eux seuls, les chouans nous égalent en nombre et sont sa troupe d’élite. Ces spéculations, c’est comme pisser vent debout!… As-tu pensé que nous pouvons, que nous devrions être défaits, vaincus?
    – Je sais. Et le premier venu dirait que c’est le plus probable. Et s’il nous prend toi et moi vivants, blessés ou par surprise, notre mort serait longue à venir, et des plus atroces.
    Un écureuil se montra. Valencey d’Adana, qui adorait les animaux, agita les deux mains, très gracieusement, comme s’il montrait des marionnettes. L'écureuil pencha la tête, intéressé. La main droite, entreprenante, se pencha sur la main gauche qui fit mine de décamper sur le mode: «Je ne suis pas celle que vous croyez.» Désespérée de cette incompréhension, la droite se mit à genoux, suppliante. La gauche, attendrie, revint et s’approcha à petits pas. L'écureuil aussi, fasciné.
    – Quel âge as-tu, général?… demanda Mahé, tout d’indulgence.
    – Oh, par instants, je suis un grand, un monsieur de dix ou douze ans!… Tiens, un bol de chocolat au lait de chèvre et au sirop d’orgeat ne serait pas pour me déplaire.
    – Sois heureux: j’ai fait acheter trois chèvres en ton absence. Des prix de Vendéens, ce qui met la chèvre à un cours fort élevé.
    Le soleil se levait. Tous deux songèrent aux milliers de levers de soleil auxquels ils avaient assisté depuis le pont de La Terpsichore . Leur jeunesse, une partie de leur enthousiasme et de leurs illusions se trouvaient à présent derrière eux. Ils devinaient qu’ils n’en finiraient jamais avec le deuil de la fabuleuse frégate.
    – Comment était Gréville?… demanda Mahé pour chasser une mélancolie naissante qui lui blessait le cœur et lui meurtrissait l’âme.
    – D’une très grande gentillesse. Il nous aime. Tous. Il est fascinant, sais-tu?… Érudit, intelligent, drôle. Général de police, il est aussi général de la garde nationale, ce qui l’irrite fort.
    – Il n’a toujours pas de foyer?
    – Son foyer, c’est la République. Nous avons été dans une guinguette en bord de Seine, il m’a parlé de la situation. Il est inquiet: un vent détestable souffle sur le pays.
    – Mais Gréville est jacobin et de la Montagne 2 ?
    – Justement. Il se méfie de la loi sur le maximum qui bloque les prix des denrées de base qui avaient décuplé. Pas très populaire. Les sans-culottes se détournent du gouvernement depuis l’exécution d’Hébert. Les ennemis de Robespierre le discréditent en multipliant arrestations et exécutions. Ils vont tourner en ridicule la «fête de l’Être suprême» qui doit avoir lieu au Champ-de-Mars le 20 Prairial, c’est-à-dire le 8 juin. Enfin, Robespierre va présenter un texte remaniant le Tribunal révolutionnaire: plus de défenseurs pour les accusés. Saint-Just appela cela «la Grande Terreur».
    Mahé s’indigna:
    – Mais c’est contre nos idées!… Cela revient à exécuter les suspects sans jugement. En outre, cela peut se retourner contre Robespierre lui-même.
    Valencey d’Adana se leva, imité par son ami qu’il prit par les épaules.
    – Mahé, ne pensons qu’à ce que nous devons faire ici car nous n’avons pas prise sur les événements de Paris.
    Ils arrivèrent devant une sorte de prison en plein air composée de barreaux de bois et dont le toit, fait d’une toile de tente, protégeait d’éventuelles pluies.
    Une très jolie jeune femme se leva aussitôt.
    – Marie Toute Troussée!… Je l’ai amenée ici les yeux bandés!… souffla Mahé à Joachim.
    Elle mêlait des grâces adolescentes à des airs de perversion dont son état de putain, en lequel elle fut précipitée par les tueurs de Blacfort, était la cause, peut-être malgré elle.
    – Tu es le général, n’est-ce pas?… Libère-moi, s’il te plaît.
    Jolie voix, douce comme une caresse.
    Mahé se justifia:
    – La prison… La raison principale en est qu’elle trouble nos hommes, même s’ils se tiennent fort bien. J’ai interdit qu’on s’approche d’elle.

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