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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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passait tout de même.
    Canonniers et hommes d’escorte plaçaient tous leurs espoirs dans l’arrière-garde.
    – Foutre la nation!… Foutre la République!… Pour le Christ et pour le roi, en avant!
    Galvanisés par l’ordre de Blacfort, une première vague de cinq cents hommes s’élança à la lueur des torches.
    Fatale erreur: les tireurs d’élite de la République éliminèrent en quelques minutes les porteurs de torches, puis leurs successeurs. Les Vendéens hésitèrent mais derrière, on poussait.
    On avançait par à-coups. Chaque éclair illuminait loin devant, on se précipitait alors pour ralentir dès le retour des ténèbres. Et puis, illuminée par un nouvel éclair, on vit cette chose affreuse: Indiens et grenadiers noirs, des familiers de la nuit, faisaient un massacre des premiers rangs. Des têtes volaient, des hommes aux longs cheveux noirs et uniformes gris levaient vers le ciel de suie des couteaux de pierre ruisselants de sang qui renvoyaient à la terreur des âges avant l’Histoire.
    On s’enfuit. On s’enfuit en pleine panique sans percevoir le son du sifflet de marine à deux tons: ruisselant de pluie, le sabre à la main, Victoire à sa gauche et Mahé à sa droite, le général rappelait l’arrière-garde.
    O'Shea, secondé par Hyppolite nommé capitaine le matin même, faisait hâter le mouvement.
    – Alors?… demanda Mahé.
    Valencey d’Adana, le regard inexpressif, répondit:
    – Il faut tenir encore. Dix minutes.
    – Nous tiendrons! assura Victoire.
    Blacfort égrenait nerveusement son chapelet où des crânes en ivoire remplaçaient les grains. Voyant refluer les siens, il leur barra le passage.
    – Lâches!… Dieu vous regarde et vous juge!… Vous fuyez devant les régicides, ceux qui dévastent la Vendée, brûlent vos églises et martyrisent vos bons prêtres. Vous fuyez alors qu’ils ne sont qu’une poignée. Allons, au combat, pour Dieu et pour le roi!
    Il retourna la situation mais sans emporter l’adhésion ni susciter l’enthousiasme. Les Vendéens repartirent à l’attaque. Seul ce qu’ils pensaient être leur devoir les poussa en avant vers cette forêt qui fut leur refuge et leur apparaissait à présent comme leur tombeau…
    – Feu!
    Cinquante républicains, un genou en terre, firent feu et reculèrent derrière le rang qu’ils précédaient un instant auparavant. Et ce rang, à son tour, mit un genou en terre.
    – Feu!… répéta Valencey d’Adana, le sabre à la main, un pistolet dans l’autre.
    Ils étaient donc cent, choisis exclusivement parmi les vétérans qui combattaient parfois depuis près de vingt ans, et sans discontinuer.
    C'était une retraite, incontestablement, mais dans un ordre parfait. On tirait, on reculait, le second rang tirait, reculait… Les vagues de Vendéens se brisaient contre ce mur mobile.
    Valencey avait discuté chaque détail de l’offensive surprise avec Mahé et l’état-major.
    Il exposa la ligne générale pendant quarante minutes, produisit des plans noircis de flèches et de courts mémorandums sur les aspects techniques de l’offensive. Adoptée, elle reçut pour nom de code «la Bataille des dupes» et c’en était une, magistrale, si ayant atteint ses objectifs le général parvenait à ramener ses troupes dans le camp retranché.
    La première imposture, la plus risquée, consistait à tromper Blacfort sur la valeur de la 123 e demi-brigade.
    Son postulat était le suivant: jamais six cents hommes ne pourront donner l’impression qu’ils sont moitié moins. Eh bien il fallait davantage de détermination dans le choix: attaquer avec seulement trois cents hommes qui feraient double besogne… et en laisser trois cents au camp.
    Second volet de «la Bataille des dupes»: atteindre tous les objectifs en faisant croire à Blacfort qu’il s’agissait d’un demi-échec: sur ce point précis, les choses étaient bien engagées. Valencey d’Adana savait qu’en cet instant les canons arrivaient au camp avec les artilleurs, l’escorte, les grenadiers et les Indiens.
    Il observa ses vétérans. Les tirs bien groupés se révélaient dévastateurs. Le fusil de 1777 qui équipait les troupes régulières des armées françaises avait, outre sa modernité, un avantage immense sur ceux des Vendéens et des armées étrangères: un seul fusil, un seul type de cartouche. Ailleurs, on comptait parfois quinze modèles différents et autant de variétés de cartouches.
    La dernière charge des

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