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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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teinte cuivrée. Deux bouchers se mirent aussitôt à l’ouvrage.
    Côté républicain, on fit passer les noms de l’Indien et du sous-officier de la colonne «disparus» à celle des «morts au combat».
    La seconde nouvelle, heureuse, concernait les pertes de l’armée Blacfort, et Saint-Eulay, ayant en charge la tenue des effectifs, se trouvait fort bien placé pour cet office.
    Le chiffre surprit l’état-major, tant son ampleur dépassait les prévisions les plus optimistes: près de huit cent trente morts et quatre cents blessés, dont soixante-quinze très grièvement. Mais au-delà, il confirmait Valencey d’Adana et les siens dans la réussite de leurs objectifs. Ainsi le tir d’artillerie que Blacfort jugeait «trop à gauche», ratant «l’objectif essentiel, le fortin, pour se concentrer sur un groupe de tentes, toujours le même», loin de sanctionner un échec tel que le pensait le général vendéen, constituait tout au contraire la plus grande réussite de l’opération nocturne.
    En effet, aux yeux d’un stratège tel que Valencey d’Adana, le fortin présentait peu d’intérêt, si ce n’est symbolique, quand le fameux «groupe de tentes» qui concentra les tirs rageurs de ses canons éliminait une grave menace. Ces tentes, au sud-est de la vaste clairière, bénéficiaient du meilleur ensoleillement et, sans même discuter avec la piétaille, les troupes d’élite se les étaient appropriées dès en arrivant. Si bien que les cent vingt aristocrates venus de l’émigration, les cinquante volontaires anglais et près de trois cents chouans avaient été tués. La consigne avait été suivie à la lettre: ouvrir un tir impitoyable sur ces tentes et insister, insister, insister encore. La plupart des victimes trouvèrent la mort dans leur sommeil quand la bouillie humaine qu’on en retira plus tard rendit toute identification impossible.
    Devant l’acharnement des canonniers républicains, Blacfort avait été pris d’un doute: «Trop à gauche, mais fort bienvenu pour Valencey d’Adana.» S'il avait persisté en ce raisonnement, le général vendéen eût peut-être démonté le mécanisme du plan de son ennemi lequel, depuis le début, le menait où il voulait. Mais ce que son intelligence commençait à entr’apercevoir, son orgueil ne le pouvait admettre, aussi s’en tint-il à son opinion première. Ce faisant, il se mit à dos les deux cents chouans survivants lesquels, pour leur part, ne voyaient aucun hasard dans le tir des canonniers de marine.
    Satisfait, Valencey d’Adana fit ouvrir des bouteilles de champagne comme au temps de La Terpsichore , rappelant cependant qu’on ne buvait pas à la mort des hommes mais aux succès de la République.
    À peine avait-il avalé une gorgée qu’un jeune officier s’en vint le chercher en courant.
    La nouvelle parut si étonnante que Valencey d’Adana et ses officiers se précipitèrent vers la première enceinte.
    Ils étaient une vingtaine. Canons de fusil pointés vers le bas, en signe de soumission, et vestes retournées, attitude indiquant en Vendée qu’on changeait de bord en ralliant l’autre camp.
    – Je doute de leur sincérité!… lança O'Shea.
    – Ces pauvres diables veulent simplement sauver leur peau!… constata Mahé.
    Valencey d’Adana lança froidement ses ordres:
    – Qu’on les désarme et les traite avec humanité puis qu’ils soient immédiatement renvoyés chez eux avec des saufs-conduits. Que le brigand de la Vendée capturé cette nuit assiste à toute la scène puis qu’on le relâche en forêt: sans le savoir, racontant son histoire, il travaillera désormais pour nous.
    Puis, souriant de manière inattendue, il lança à ses officiers:
    – Messieurs, ne laissons pas le champagne se réchauffer.
    Les comptes n’étaient point bons et Blacfort s’assombrit. Quoique encore très supérieure en nombre à celle de Valencey d’Adana, sa troupe voyait fondre ses effectifs.
    Partis trois mille six cents à son apogée, son armée avait perdu bien du monde lors de cette bataille aux confins de la Saintonge où disparurent son artillerie et sa cavalerie. On tomba à deux mille neuf cents avec la satisfaction d’avoir contraint la 123 e demi-brigade à se retirer, ce qui se sut en Vendée et à l’étranger, chez les princes. Le rapport tombait de un contre cinq à un pour quatre.
    Par chance, les combats en mer qui aboutirent au sabordage de La Terpsichore coûtèrent une centaine de marins

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