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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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Terpsichore étaient les meilleurs canonniers du monde et tous furent formés par Joachim. Vous a-t-il parlé de la Révolution?
    – Ils sont des républicains convaincus… et intelligents car ils ont ébranlé, et peut-être davantage, mes idées sur une monarchie constitutionnelle. Mais… Ah, marquise, je ne sais si je dois vous en entretenir mais il fut question de vous.
    – De moi?… répéta-t-elle en pâlissant.
    – Votre prénom fut prononcé mais «Victoire» est un prénom assez porté depuis notre succès à la bataille de Fontenoy et l’idée qu’il puisse s’agir de vous ne m’a guère effleuré malgré cette histoire de parfum.
    – De parfum?
    – Vous en avez composé un avec les essences de ma fille, n’est-ce pas?
    – En effet.
    – Le prince l’a immédiatement reconnu et semblait dans tous ses états, disant à son ami Mahé que ce parfum est unique. Il vous… devinait ici et seul son ami parvint à le distraire de cette pensée. Puis… Ah, dois-je vous le dire, Madame, n’est pas déloyal envers lui qui ne s’aperçut point que j’entendais cette conversation bien qu’ils se soient exprimés à mi-voix?
    D’un ton étonnamment solennel, Victoire répondit:
    – Baron, c’est d’amour dont il s’agit. D’un amour partagé depuis l’enfance et très malheureux, comme si tout et tous depuis toujours conspiraient contre nous. Si par vous nous pouvions enfin nous rapprocher, ma reconnaissance déjà si grande deviendrait infinie. Dois-je vous supplier, monsieur?
    – Certes non!… Il parlait d’une femme et c’est son ami qui une fois nomma «Victoire». Le prince a dit alors qu’il vous aimait et la chose, à voir son état, ne se conteste pas.
    Elle serra les poings jusqu’à faire blanchir ses phalanges.
    – Il pense encore à moi après toutes ces années, il m’aime encore, dites-vous: oh, je suis la plus heureuse des femmes qui fût jamais sur cette terre!

26
    Bernardin des Essarts, marquis de La Mellerie, avait pris le troisième tour de garde juste devant la porte du moulin dont les ailes, attachées, le faisaient songer à un oiseau capturé par un filet.
    Tous les tours de garde sont pénibles: conserver les yeux ouverts, scruter les ténèbres et entendre, parfois, les ronflements d’un camarade qui vous font vous souvenir combien il est doux de s’abandonner au sommeil, surtout dans cette agréable et attirante odeur de farine.
    Pour beaucoup d’hommes, le dernier tour de garde est le plus pénible. Peut-être est-ce en raison que c’est à ce poste qu’on assiste à la fin de la nuit et au lever du jour, qu’après, il n’y aura point de sommeil réparateur mais qu’au contraire on va se mettre en selle pour partir encore fatigué.
    Une lueur laiteuse barrait l’horizon à l’est, le jour pointait, les ombres s’esquivaient sur la pointe des pieds, les étoiles clignotaient avant de disparaître.
    La Mellerie éprouva un sentiment de satisfaction. Une nuit sans histoire après celle de la veille, fort courte et agitée. Il avait pourtant éprouvé quelque appréhension à dormir dans un moulin, même très isolé tel que celui-ci: granges et moulins sont les premiers endroits visités par les patrouilles de l’un et l’autre camp. Mais, lisant l’envie dans les yeux de ses hommes, Valencey d’Adana ne s’y était pas opposé bien qu’il préférât de beaucoup l’abri des forêts.
    Au reste, on dormait tout habillé, conservant même ses bottes, l’arme à portée de main… et les chevaux n’étaient pas dessellés.
    La Mellerie songea à Paris où il serait bientôt et qu’il ne connaissait pas. Puis à son château proche de Buis-les-Baronnies. Par des nouvelles récentes, sans doute ce policier haut placé, Valencey d’Adana l’avait informé que le berceau de ses ancêtres se trouvait intact. Son «bannissement volontaire» par solidarité avec le prince, sa qualité d’ancien combattant de la guerre d’Indépendance et le fait qu’il se battait sur les mers pour la République expliquaient sans doute ce traitement de faveur.
    Son esprit revint à Paris. Il brûlait d’envie de se mêler au peuple pour des promenades aux jardins des Champs-Élysées. Il rêvait aussi de s’attabler au «Café des Aveugles» dont l’avait entretenu Saint-Frégant: on y entendait, paraît-il, un orchestre de huit musiciens aveugles en robes longues et chapeaux pointus. Saint-Frégant évoquait aussi «Le Caveau», passage du Perron, où

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