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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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voici deux pour t’acheter une robe ; tu en
auras mille bientôt. » « Mille, dis-je, mon aimé, je
serai riche alors. » « Tu les auras, dit-il. Mais n’en
est-il point à Damme qui, femmes ou filles, sont maintenant aussi
riches que tu le seras ? » « Je ne sais point, »
répondis-je. Mais je ne voulais point dire leurs noms de peur qu’il
ne les aimât. Il me dit alors : « Informe-toi et dis-moi
leurs noms quand je reviendrai. »
    « L’air était froid, le brouillard glissait sur les
prairies, les ramilles sèches tombaient des arbres sur le chemin.
Et la lune brillait, et il y avait des feux sur l’eau du canal.
Hanske me dit : « C’est la nuit des loups-garous ;
toutes les âmes coupables sortent de l’enfer. Il faut faire trois
signes de croix de la main gauche et crier : Sel !
sel ! sel ! qui est emblème d’immortalité ; et ils
ne te feront point de mal. » Et je dis : « je ferai
ce que tu veux, Hanske, mon mignon. » Il m’embrassa
disant : « Tu es ma femme ». « Oui »,
disais-je. Et à sa douce parole, un bonheur céleste glissait sur
mon corps comme un baume. Il me couronna de roses et me dit :
« Tu es belle ». Et je lui dis : « Tu es beau
aussi, Hanske, mon mignon en tes fins habits de velours vert à
passements d’or avec ta longue plume d’autruche qui flotte à ta
toque, et avec ta face pâle comme le feu des vagues de la mer. Et
si les filles de Damme te voyaient, elles courraient toutes après
toi, te demandant ton cœur ; mais il ne faut le donner qu’à
moi, Hanske. » Il dit : « Tâche de savoir quelles
sont les plus riches, leur fortune sera pour toi. » Puis il
s’en fut, me laissant après m’avoir défendu de le suivre.
    « Je restai là, faisant sonner dans ma main les deux
carolus, toute frissante et transie, à cause du brouillard, quand
je vis sortir d’une berge, gravissant le talus, un loup qui avait
la face verte et de longs roseaux dans son poil blanc. Je
criai : Sel ! sel ! sel ! faisant le signe de
la croix, mais il ne parut point en avoir peur. Et je courus de
toutes mes forces, moi criant, lui hurlant, et j’entendis le bruit
sec de ses dents près de moi, et une fois si près de mon épaule que
je crus qu’il m’allait saisir. Mais je courais plus vite que lui.
Par grand bonheur, je rencontrai au coin de la rue du Héron la
veille-de-nuit avec sa lanterne. « Le loup ! le
loup ! » criai-je « N’aie point peur, me dit la
veille-de-nuit, je te vais ramener chez toi, Katheline
l’affolée. » Et je sentis que sa main, qui me tenait,
tremblait. Et il avait peur pareillement. »
    – Mais il a repris courage, dit Nele. L’entends-tu maintenant
chanter, traînant sa voix :
De clock is tien, tien aen de
clock
 : Il est dix heures à la cloche, à la cloche dix
heures ! Et il fait grincer sa crécelle.
    – Ôtez le feu, disait Katheline, la tête brûle. Reviens, Hanske,
mon mignon.
    Et Nele regardait Katheline ; et elle priait Notre-Dame la
Vierge d’ôter de sa tête le feu de folie ; et elle pleura sur
elle.

XXXVIII
     
    À Bellem, sur les bords du canal de Bruges, Ulenspiegel et Lamme
rencontrèrent un cavalier portant au feutre trois plumes de coq et
chevauchant à toute bride vers Gand. Ulenspiegel chanta comme
l’alouette et le cavalier s’arrêtant, répondit par le clairon de
Chanteclair.
    – Apportes-tu des nouvelles, cavalier impétueux ? dit
Ulenspiegel.
    – Nouvelles grandes, dit le cavalier. Sur l’avis de
M. de Châtillon, qui est, au pays de France, l’amiral de
la mer, le prince de liberté a donné des commissions pour équiper
des navires de guerre, outre ceux qui sont déjà armés à Emden et
dans l’Oost-Frise. Les vaillants hommes qui ont reçu ces
commissions sont Adrien de Berghes, sieur de Dolhain, son frère
Louis de Hainaut ; le baron de Montfaucon ; le sieur
Louis de Brederode, Albert d’Egmont, fils du décapité et non pas
traître comme son frère ; Berthel Enthens de Mentheda, le
Frison ; Adrien Menningh, Hembyse, le fougueux et orgueilleux
Gantois, et Jan Brock. Le prince a donné tout son avoir, plus de
cinquante mille florins.
    – J’en ai cinq cents pour lui, dit Ulenspiegel.
    – Porte-les à la mer, dit le cavalier.
    Et il s’en fut au galop.
    – Il donne tout son avoir, dit Ulenspiegel. Nous autres, nous ne
donnons que notre peau.
    – N’est-ce donc rien, dit Lamme, et n’entendrons-nous jamais
parler que de sac et massacre ?

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