La Légion Des Damnés
avec ces sortes de preuves, on arriverait à démontrer que les « mœurs russes » ont eu cours, sur une plus ou moins grande échelle, dans tous les pays bouleversés par la guerre.
Nous étions parfois les témoins de choses qui nous laissaient béants de stupéfaction. Durant un assaut, par exemple, quelques-uns de nos derniers " soldats " de seize à dix-sept ans avaient été enlevés par les Russes. Le lendemain même, ils nous les renvoyèrent, après avoir coupé les jambes de leurs pantalons d'uniforme, afin qu'ils parussent affublés de culottes courtes.
Dans le dos de l'un d'eux, était épinglé cet édifiant message :
L'Armée Rouge ne se bat pas contre les enfants; nous vous restituons ceux-ci pour vous permettre de les rendre à leurs mères, qui pourront mieux que nous achever de les sevrer.
Et cette histoire du vieux sous-officier.
Ils avaient, dans la compagnie 3, un sous-off d'un certain âge. Un jour, ce pauvre bougre reçut un télégramme l'informant que sa femme et ses trois enfants avaient été tués au cours d'un raid aérien sur Berlin. Il alla demander une permission à son commandant de compagnie, mais bien que celui-ci fît tout ce qui était en son pouvoir, la permission fut finalement refusée.
Dans sa rage et son désespoir, le vieux sous-off déserta, mais, à notre stupéfaction sans borne, il revint le lendemain en disant que le commandant de division russe du secteur d en face lui avait personnellement accordé la permission que ses chefs lui avaient refusée. Nous crûmes, tout d'abord, qu'il avait perdu la tête, mais il nous montra une lettre scellée adressée à notre colonel, et un jeu complet d'ordres de permission russes, dûment remplis et signés, établis pour quinze jours, non compris le voyage aller et retour à Berlin. Les Russes avaient même porté sur leurs papiers les horaires exacts des trains qu'il devrait prendre. Von Barring me communiqua, par la suite, le texte de la lettre adressée à l 'Oberst von Lindenau. Ce texte, le voici :
Cher colonel,
Nous sommes profondément surpris que les choses aillent si mal dans l'Armée Allemande qu'il vous soit impossible d'accorder une permission à un pauvre sous-officier qui, comme celui-ci, a tout perdu. L'Armée Rouge, elle, donne à son prisonnier quinze jours de permission, et par la même occasion, le dispense de revenir.
Je n'ignore pas, mon cher colonel Von Lindenau, que vous allez probablement punir ce sous-officier pour avoir « fraternisé » avec l'ennemi. Mais puis-je vous suggérer, pour une fois, de fermer les yeux sur ce qui s'est passé, et de veiller à ce que ce malheureux puisse effectivement aller chez lui en permission. N'est-il pas déjà suffisamment puni par la perte de toute sa famille, tuée au cours de ce raid sur Berlin ?
Stephan KONSTANTINOVITCH RADION.
Lieutenant Général Commandant de la 61 e Division d'Infanterie de l'Armée Rouge.
Cette lettre, et les ordres de permission russes, furent transmis à notre propre commandant de division, le General-Leutnant Von Rechtnagel, afin qu'il décidât de la suite à donner au cas du sous-off allemand qui était allé chercher une permission chez les Russes! Durant quelques jours, tout le 27 e Blindé attendit anxieusement le verdict. Chaque soir, les Russes nous demandaient, par le truchement de leurs haut-parleurs, si le sous-off avait enfin décroché sa permission, et chaque fois, nous devions répondre par la négative. Des paris étaient engagés. La plupart d'entre nous pensaient que l'homme serait fusillé. Ils étaient tout simplement obligés de le punir. Cette issue ne pourrait être évitée qu'à condition de récrire tout le code militaire !
Enfin, notre anxiété fut apaisée : le vieux sous-off avait sa permission, et trois jours d'arrêts de rigueur pour avoir quitté son poste sans autorisation, sanction qui prendrait effet à son retour de perme.
Il va sans dire que les Russes possédaient aussi d'autres moyens, beaucoup plus robustes, de faire leur propagande. Il y avait, par exemple, ce qu'ils appelaient les « transmissions radiophoniques », qui commençaient par une parodie de quelque programme de radio allemand, souvent assez grossière, mais efficace et parfois spirituelle. Venait ensuite le « Concert des Auditeurs . Une voix expérimentée de speaker radio-phonique annonçait suavement :
— Et maintenant, à la demande de nombreux correspondants, vous allez entendre une première composition spéciale
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