La Légion Des Damnés
de mitrailleuse avec Asmus et Fleischmann et nous canardions sans interruption les vagues d'assaut successives, gardant l'œil bien ouvert pour ne pas exterminer nos propres hommes, car nous portions nous-mêmes, à l'instar des Russes, des manteaux de neige blancs dont les capuchons recouvraient nos casques. C'était l'instinct, plus que la vue, qui nous dirigeait.
Subitement, retentirent derrière nous des ordres en langue russe. Le temps de ramasser la mitrailleuse, les pistolets automatiques, les grenades et de foutre le camp, droit devant soi, à corps perdu...
Ce crétin d'Asmus trouva le moyen de se tromper de direction et de courir se jeter dans les bras des Russes.
Fleischmann et moi avions choisi la bonne direction, vers l'arrière, mais notre fuite s'acheva tout de même dans les bras des Russes, car nous étions totalement encerclés.
C'est avec la plus grande répugnance que j'écris ce chapitre portant sur la période de ma captivité. Je sais qu'il servira probablement à renforcer des points de vue pour lesquels je n'éprouve aucune sympathie, pendant que le côté opposé me traitera de menteur et de faux jeton et de traître à la cause du peuple.
Ayant lu ce chapitre, les fanatiques d'un de ces points de vue s'empresseront de souligner certains passages au crayon rouge en s'écriant triomphalement :
— Voilà! Voilà comment c'est là-bas! Jugez vous-même. D'après un témoin oculaire. Lisez le récit d'un témoin oculaire. Ecoutez ces quelques vérités concernant la Russie soviétique !
Que quelqu'un demande si c'est « comme ça » ou non en Russie soviétique, je ne pourrai que lui répondre, en toute honnêteté, que je n'en sais rien. L'U.R.S.S. est immense. J'y ai séjourné peu de temps. Je n'en ai vu qu'une faible partie. Et les circonstances de mon séjour étaient telles qu'il ne m'était possible, ni de nouer les relations nécessaires, ni d'opérer les sondages indispensables à l'élaboration objective d'une chose aussi complexe que la façon dont « ça se passe » dans un pays étranger.
J'étais l'ennemi de ces gens. Ils possédaient d'amples motifs de me häir et de me maltraiter et de se foutre éperdument de tout ce qui pouvait m'arriver de fâcheux. N'étais-je pas en somme l'un de ceux qui avaient contribué à brûler des milliers de villages et à ruiner l'existence de millions d'hommes et de femmes ?
Je ne partage pas l'opinion simpliste selon laquelle le Nazisme et la Démocratie populaire étaient d'une seule et même eau, Hitler et Staline de la même trempe. Un coup d'œil à leurs portraits juxtaposés vous démontrera l'idiotie de cette assertion. Hitler était un hystérique, Staline un gaillard obstiné qui avait assez de bon sens pour ne pas jouer avec les révolutions, mais suivre son petit bonhomme de chemin, toujours sur le qui-vive, avec une compétence quasi scientifique, une patience infinie, et une infinie méfiance. Staline n'était ni un imbécile, ni probablement un petit saint du Bon Dieu. Ne rayant pas connu personnellement, je préfère ne porter sur lui aucun jugement. Mais après avoir comparé les visages de ces deux hommes, si vous voulez vous astreindre à comparer leurs écrits, vous constaterez rapidement qu'Hitler et Staline étaient aussi différents Fun de Vautre qu'il est possible de l'être...
Ce compte rendu de mon séjour chez les Russes, en tant que prisonnier de guerre, ne peut donc ni ne doit, être pris et utilisé comme argument pour ou contre le socialisme, pour ou contre Staline, pour ou contre le « bloc de l'Est ». Tant que le Führer et ses associés, ceux qui sont morts et ceux qui sont encore vivants, et qui sévissent un peu partout dans le monde, continueront d'exercer la moindre influence, nous gaspillerons notre temps et notre énergie en allant chercher à Moscou les causes des craintes diverses qui accablent cette misérable planète. Tant que la liberté démocratique ne dépassera pas le stade d'un postulat théorique, nous n'avons aucun droit de balayer ailleurs que devant notre propre porte.
D'autre part, vous pouvez garder votre liberté, en ce qui me concerne, et faire avec elle tout ce qui vous plaira, tant que l'on voudra bien me foutre la paix. Mon désir de liberté ne suit pas la trajectoire des balles de fusil. Ayant goûté la guerre sous toutes ses formes, je me soumettrai volontiers aux pires contraintes, si nécessaires, pourvu que nous puissions vivre en paix. Ce n'est pas assez de se
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