La Légion Des Damnés
d'effectuer un raid de reconnaissance, pour essayer d'obtenir quelques éclaircissements sur cette étrange disparition. Le lieutenant Holler lui-même tint à nous accompagner. Il ôta simplement tous ses galons, insignes et fanfreluches.
On commença par repérer les sentinelles russes. Puis on leur dégringola sur le poil, on flanqua deux ou trois mines dans leur cagna, on passa leur tranchée au lance-flammes et à la mitraillette. En quelques minutes, l'affaire fut bâclée. Après quoi nous prîmes le chemin du retour, ramenant deux prisonniers dont un musicien, un clairon. Sitôt que je leur décrivis Porta, ils éclatèrent de rire.
— Il est complètement cinglé, expliqua le clairon. En ce moment, il est en train de faire avec notre commissaire un match à qui roulera le premier sous la table. Il veut acheter un manteau de peau d'ours et une caisse de vodka. Il a cinq mille cigarettes pour payer ses achats...
A nos questions effarées, le clairon répondit ensuite que Porta avait été capturé par une patrouille.
Deux jours plus tard, quand vint la relève, nous n'avions toujours pas revu notre Joseph Porta et, commencions à déplorer sincèrement sa perte.
Et puis, au bout d'une semaine, il nous rejoignit dans nos quartiers de repos, à l'arrière du front, portant un manteau de fourrure d'officier russe, et une serviette en cuir de Russie qui paraissait très lourde.
— Beau temps, aujourd'hui !
Il n'en dit pas davantage, mais nous sourit avec indulgence tandis que nous l'entourions bouche bée.
— J'espère que je ne suis pas en retard pour le dîner. Ce serait dommage, parce que j'ai rapporté un peu de schnaps.
Il y avait six bouteilles de vodka dans sa serviette, ainsi que les cinq mille cigarettes qu'il avait eues au départ.
— Les commissaires russes ne sont pas foutus de jouer aux cartes proprement ! déclara-t-il d'un ton dogmatique.
Et ce fut tout ce qu'il consentît jamais à nous dire sur sa bizarre incursion dans le domaine d'Ivan, de telle sorte que je n'en puis fournir aucune explication rationnelle.
Six bouteilles de vodka, un manteau d'officier flambant neuf, et une magnifique serviette de cuir.
Quelle drôle de chose que la guerre !
En raison des lourdes pertes subies par le 27e Blindé, il y avait de la promotion dans l'air pour nous autres vétérans. Le commandant ayant été tué, l'Oberstleutnant von Lindenau fut nommé Oberst. Le Major Hinka devint Oberstleutnant, avec les fonctions de commandant de bataillon, et von Barring devint Hauptmann de notre compagnie. Le Vieux fut nommé Feldwebel et chef de peloton. Nous avions un nouveau tank du type « Panthère », qui serait désormais le chef de file du peloton n° 3.
Porta devait être promu sous-off, mais il refusa net. Il y eut une histoire mémorable, qui s'arrangea finalement, toutefois, à la satisfaction générale.
— Ça va, espèce de vieux singe rouquin ! gronda l'Oberstleutnant Hinka. On va pas te bombarder Unteroffizier, mais Stabsgefreiter. Ça te botte ?
Porta acquiesça. Un Stabsgefreiter est un soldat hors classe, non un sous-officier.
Staline, notre chat, qui possédait à présent son fascicule miniature, fut nommé Obergefreiter, et l'on cousit les deux galons réglementaires sur la manche de sa tunique neuve. Lui aussi prit une biture fantastique pour célébrer dignement sa promotion.
La mort fauche
Bois ça, Sven. Une bonne lampée... Les fumiers! Les saloperies d'ordures ! Attends que vienne le jour où on pourra leur mettre la main sur la soie !
Porta voulut savoir ce qui était arrivé.
— Je vais te lire la lettre, lui dit le Vieux. Sors le schnaps, que Sven puisse se saouler la gueule et oublier ça. Et qu'on se saoule la gueule avec lui, bon Dieu !
Il déplia la lettre du père d'Ursula :
Munich, avril 1943.
Mon cher fils,
Je dois vous apprendre une terrible nouvelle. Je vous demande de la recevoir aussi calmement que possible, et de me promettre que vous ne ferez aucune sottise lorsque vous la connaîtrez.
Notre chère Ursula est morte. Les Nazis Vont assassinée. Quand vous viendrez à Munich, je vous donnerai tous les détails. D'ici là, je ne puis vous dire que l'essentiel.
Un Gauleiter notaire devait haranguer les étudiants de l'Université, mais son discours fut interrompu par une manifestation d'hostilité déclarée. Bon nombre des jeunes étudiants furent arrêtés, et parmi eux, notre chère fille. Quelques jours plus tard, ils comparurent devant le
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