La Légion Des Damnés
bataille de tanks recommence et ainsi de suite. Pendant des jours et des jours.
Les bataillons de réserve stationnés en Allemagne, les dépôts établis dans les pays occupés, continuent de déverser, jour après jour, un flot constant de viande fraîche, de belle chair à canon, pour la plupart des gosses de dix-sept, dix-huit ans, avec six semaines de classes derrière eux. Ils savent faire l'exercice et saluer crânement et tombent comme des mouches en n'ayant rien fait d'autre, il y a aussi des hommes de cinquante ans et plus, ressortis des camps de concentration. Hitler racle ses fonds de tiroirs, et les hôpitaux également doivent fournir leur quote-part : blessés fiévreux, décharnés, anémiques et blêmes, déclarés guéris du jour au lendemain. Tout passe dans le grand hachoir à viande. Les bandages avec.
A Kubiansk, sur l'Oskol, coup fourré entre un T-34 et nous-mêmes. Deux coups au but. Mais le tank russe prend feu immédiatement, décapité de sa tourelle, alors que nous nous en tirons avec cinq éléments de chenille et deux rouleaux esquintés. C'est quand même la poisse, car la compagnie amorce un repli, ce qui veut dire que nous sommes livrés à nos seules ressources, en arrière des lignes russes.
Nous nous planquons dans les broussailles jusqu'à la tombée de la nuit puis nous entreprenons de remplacer les éléments arrachés de la chenille, et les deux rouleaux défectueux. Labeur fantastique, apte à rendre fous moins aguerris que nous-mêmes, car pendant tout ce temps, nous devons tenir à l'œil la chaîne ininterrompue des tanks russes qui s'égrène sur la route à moins de cent mètres de là.
Vers le milieu de la nuit, le tank est prêt à repartir, mais nous devons guetter notre chance. Porta et moi restons à découvert, dans la tourelle, coiffés de casquettes russes, prêts à répondre en langue russe à toute question indiscrète. Nous avons souillé nos signes distinctifs avec la boue.
Au moment propice, nous partons dans le sillage de trois T-34. Kilomètre après kilomètre, nous approchons de la ligne de bataille. Là, nos trois collègues bifurquent vers un village et nous continuons tout droit, à bride abattue. Il y a un obus dans la culasse de notre pièce, prêt à foudroyer le premier qui tentera de nous intercepter, et Stege aura tôt fait d'en expédier quelques autres à la suite. Mitrailleuses et lance-flammes cracheront aussi à la première alerte. Mais nous atteignons notre régiment sans encombre.
A l'aube, on nous lance aux trousses de quelques T-34 et KW-2 qui ont rompu nos lignes et sèment la pagaïe sur nos arrières. Ils ont réveillé tout un bataillon au repos à Isium, et se conduisent comme des ours sauvages en rupture de zoo.
Comme des chiens, nous suivons les traces caractéristiques, plus larges que les nôtres, laissées par les tanks russes. Du haut d'un coteau, nous les découvrons, en lisière d'un village qui, d'après la carte, doit être Svatov. Trois T-34. Les KW-2 sont sans doute en train de s'amuser ailleurs. Dès qu'ils ont disparu entre les maisons, nous dévalons la pente, contournons un étang, un bosquet qui nous permettra peut-être d'approcher sans nous faire repérer. Notre deuxième tank prend position derrière un long bâtiment, une école ou quelque chose comme ça, et ne bouge plus, reste en embuscade. Alors, nous fonçons. Il y a deux T-34 juste devant nous.
Le Vieux me rejoint en rampant, s'assure que le canon est pointé correctement, car un coup manqué, dans ces conditions, nous condamnerait à mort. Feu ! La culasse jaillit vers Stege qui engage le second projectile. La tourelle pivote. J'ai le deuxième T-34 dans mon périscope. Feu ! A cette courte distance, l'obus arrache littéralement la tourelle du char russe. Les deux T-34 sont en flammes quand nous plongeons dans les buissons pour voler au secours du copain qui, s'il faut croire la violence de cet échange de pruneaux n'a pas exactement le dessus.
Nous n'avons pas fait deux cents mètres, cependant, que nous tombons sur un des KW-2, qui sont d'énormes masses de quatre-vingt-dix tonnes, armés de cinq mitrailleuses, d'un lance-flammes et d'un canon de quinze centimètres planté dans une gigantesque tourelle. Celui-ci s'est arrêté en travers de la rue principale du village et promène ses mitrailleuses au petit bonheur, arrose les maisons d'alentour histoire de rigoler. Son canon de gros calibre lâche également un projectile, de temps à
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