La Liste De Schindler
D’ailleurs, il n’en aurait pas l’occasion. Mais Amon qui aurait découvert un prisonnier muni d’un pistolet serait en tout cas couvert auprès de Koppe et d’Oranienburg.
C’est par un beau dimanche de la mi-août que Sowinski, au volant d’un camion, alla récupérer le clan Chilowicz qui attendait dans un entrepôt de matériel de construction. Après que tout le monde se fut caché dans la chaudière, le camion prit la rue Jerozolimska en direction de la sortie. Là, il faudrait montrer patte blanche, mais il n’y aurait pas de problème. Ils seraient bientôt à l’air libre. En attendant, les cœurs battaient à tout rompre dans l’espace confiné de la chaudière.
Amon, Amthor, Hujar et Ivan Scharujew, un Ukrainien, attendaient au portail. Sourire aux lèvres, ils commencèrent à inspecter le camion sans se presser, se réservant la fouille de la chaudière pour la bonne bouche. Ils feignirent une énorme surprise quand ils découvrirent les Chilowicz tassés comme des sardines et mourant de peur. Amon ne fut pas long à trouver le pistolet dissimulé dans la botte d’un Chilowicz dont les poches étaient pleines de diamants que des prisonniers désespérés lui avaient remis en échange de quelque faveur.
La rumeur se répandit d’autant plus vite dans le camp que c’était le jour de repos : les Chilowicz ont été condamnés à mort. La nouvelle fut accueillie avec les mêmes sentiments de crainte et d’inquiétude qui avaient prévalu l’année précédente quand on avait appris que Spira et ses OD venaient d’être fusillés. Chacun pesait le pour et le contre. Avaient-ils désormais plus ou moins de chances de s’en sortir ?
Tous les membres du clan Chilowicz furent exécutés un à un d’une balle dans la nuque. Ce fut Amon lui-même, désormais obèse et hépatique, qui se chargea de Chilowicz. Les cadavres furent alignés sur l’Appellplatz. On leur avait collé des pancartes sur la poitrine :
« Ceux qui violent les justes lois peuvent s’attendre à une mort semblable. »
Les prisonniers de Plaszow jugèrent que, pour une fois, cette épitaphe allait dans le sens de la morale.
Ce même jour, Amon rédigea deux longs rapports, l’un destiné à Koppe, l’autre à la section D du général Glticks. Il expliquait comment il avait sauvé Plaszow des préliminaires d’une insurrection en arrêtant et en exécutant les principaux conspirateurs qui s’apprêtaient à s’évader du camp. Quand il eut terminé son premier jet, qu’il l’eut revu et corrigé, il était déjà 11 heures du soir. Trop tard pour le faire taper par Frau Kochmann qui était si désespérément lente. Aussi le commandant donna-t-il l’ordre d’aller secouer Mietek Pemper dans sa baraque et de l’amener au pas de course. Quand celui-ci arriva à la villa, Amon commença par lui dire d’un ton neutre qu’il le soupçonnait d’avoir été en cheville avec les Chilowicz. Pemper, complètement abasourdi, cherchait désespérément ce qu’il allait bien pouvoir répondre. S’apercevant que la couture d’une jambe de son pantalon était complètement défaite, il finit par dire :
— Mais comment aurais-je pu m’enfuir habillé de la sorte ?
Le ton désespéré de la réponse sembla satisfaire Amon. Il dit au garçon de s’asseoir et lui donna des instructions sur la façon dont il fallait taper le rapport et numéroter les pages.
— Et je veux un travail de première classe, ajouta-t-il en tapotant les feuillets de son brouillon.
« Nous y voilà, pensa Pemper. Il pourrait me tuer maintenant sous prétexte de tentative d’évasion, ou plus tard parce que j’aurai vu ce qu’il a mis dans son rapport. »
Au moment où Pemper quittait la villa avec ses feuillets en main, Amon le rappela pour lui donner une dernière instruction :
— Quand vous taperez la liste des insurgés, laissez un espace en blanc au-dessus de ma signature pour que je puisse y inscrire un dernier nom.
Pemper s’inclina discrètement pour signifier qu’il avait compris. Il resta figé pendant une seconde en cherchant désespérément quelque inspiration qui puisse faire revenir Amon sur cette décision de laisser un espace en blanc. Car l’espace, bien naturellement, c’était pour lui, Mietek Pemper. Mais rien de plausible ne lui venait à l’esprit.
— Très bien, Herr Kommandant, finit-il par dire.
Pendant qu’il se dirigeait vers les bureaux de l’administration, Pemper,
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