La lumière des parfaits
en face de nous, dans l’autre entrée des souterrains. S’esbigner était devenu chez lui comme une seconde nature. Il n’avait aucune intention de subir le même sort que celui de sa mère ou de son père.
Dans un vacarme assourdissant, toute la voûte s’effondra bientôt, envahit la magnifique salle capitulaire des derniers chevaliers de l’Ordre du Temple de Salomon, les douze chevaliers hérétiques…
« Tu savais pourtant, Philippa, que tout dépendrait de la main qui verserait l’Eau et le Sang du Christ ! Ta main était impure ! » hurlai-je, en guise d’oraison funèbre.
Le soir même, Arnaud de la Vigerie fut sorçaint par les gardes eschaugetés à ma demande, à la sortie du puits d’air par lequel il s’était déjà enfui vingt-deux ans plus tôt {44} .
Bertrand du Guesclin le remit le lendemain au prévôt de Sarlat. Arnaud fit aussitôt appel du jugement qui avait été prononcé par contumax contre lui, auprès de la justice du roi Charles. Il fut déporté dans une cage de fer vers Paris.
La sentence fut impitoyable. Non seulement elle confirmait le jugement rendu par le viguier de Sarlat, mais il fut conduit en place de Grève pour y subir le supplice de la roue, les membres broyés à la masse, le sexe tranché au coutelas et jeté aux chiens. Son corps fut écartelé par quatre chevaux. D’aucuns disent que l’on aurait ouï ses hurlements jusqu’au Palais de la Cité, et au-delà jusqu’au Louvre.
Le piège que j’avais tendu au loup s’était refermé sur lui et l’avait broyé de ses mâchoires d’acier. Le quatrième cavalier de l’Apocalypse avait passé les pieds outre. En démembrant son corps, on avait condamné son âme aux enfers. Pour l’éternité. Jusqu’à la fin des temps. Pour tous les crimes qu’il avait commis.
Et aussi pour avoir tiré profit de l’Eau et du Sang du Christ, en baillant une fiole à un Hachichiyyin.
À bord d’une nef génoise, la Santa Rosa. Par un jour de décembre de l’an de disgrâce 1347.
Le jour de l’exécution d’Arnaud de la Vigerie, messire Bertrand du Guesclin, comte de Longueville, fut élevé à la dignité de connétable de France.
En dix ans, il bouterait les Anglais hors du royaume. De presque tout le royaume. Les désastres de Crécy et de Poitiers seraient effacés. Ils ne survivraient que dans la mémoire des Anciens.
Dans le courant du printemps 1371, nous prîmes le bourdon, l’écharpe des pélerins, et reçûmes la créanciale des mains de notre évêque, Jean de Réveilhon. Elle authentifiait notre motivation spirituelle.
En accomplissant ce pèlerinage en famille, vers Saint-Jacques de Compostelle, par le camino francese, nous mériterions enfin l’indulgence canonique que nous avait délivrée la Pénitencerie.
J’emportai, gravé dans mon cœur, le bouleversant secret de la Vie éternelle, écrit par Hugues de Payns, le premier chevalier de l’Ordre du Temple.
Sur la cité mariale de Roc-Amadour, point de départ de notre pèlerinage, une pluie fine tombait sur nos bures. Une pluie pénitencielle…
Qu’elle était douce, la pénitence !
FIN
ÉPILOGUE
Abbaye d’Obazine, en Van de grâce MCCCLXXXI, le surlendemain des nones de janvier, à l’heure de tierce {45} .
L’inconnu avait réussi à percer les arcanes mystérieux que le chevalier banneret occitan, Bertrand Brachet de Born, Croix de Fer de l’Ordre de Sainte-Marie des Teutoniques, chevalier de l’Ordre de l’Étoile en la Noble Maison de Saint-Ouen, lui avait fait parvenir.
Un texte qui relatait sa vie et un document qu’il avait écrit de magnifique et secrète manière, inspirée d’un code, un ancien code utilisé autrefois par les chevaliers de l’Ordre du Temple de Salomon. Un code oublié, d’une incroyable difficulté.
Une seule personne était en mesure de le déchiffrer. Elle y était parvenue, après douze jours de recherches approfondies, dans le silence et le froid de l’abbaye où elle s’était bouée, malgré le feu qu’un frère, ridé comme une vieille pomme, entretenait plusieurs fois par jour.
Oserait-elle brandir un jour la Lumière des Parfaits à la face du monde ? Le testament du premier des chevaliers templiers, s’il venait à être connu, saperait les fondements de croyances séculaires, enracinées depuis mil quatre cents ans dans le cœur de la Chrétienté. Il pourrait soulever une guerre des religions, ou pire, une guerre des civilisations.
Elle plia ses
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