La lumière des parfaits
Mittelburg , le château du milieu, en forme de trapèze et relié au Hochburg par un rempart.
Nous observâmes que l’habillement était très modeste. Il se composait de vêtements de lin portés sous un froc, sorte de robe de laine assez courte munie d’une capuche. Pour se coucher, les frères ne quittaient que leur blanc mantel, leur cape en peau de chèvre ou de mouton, ainsi que les gants fourrés qu’ils étaient autorisés à porter en hiver par la sempiternelle Règle.
Pour tout châlit, nous avions droit à une paillasse garnie de déchets de laine et d’un oreiller en crins de cheval. Pour nous protéger du froid mordant, un drap de lin et un coutil de grossier mais chaud tissu de laine cardée. Brrrrrr…
J’eus une pensée nostalgique pour la comtesse Mathilde d’Œttingen qui se plaignait du froid et de l’humidité dans son château de Kœnigsbourg ! Un palais, comparé à la forteresse du siège de l’Ordre teutonique.
Ce n’est qu’à l’heure des matines, de retour de l’office nocturne, que je trouvai le sommeil, malgré la fatigue, avant que nous nous levions pour nous rendre derechef, ablutions faites, dans la chapelle pour célébrer les laudes… Et dire que notre Grand Voyage se prolongerait trois mois durant ! Mais sur l’heure, point de chevalier von Forstner pour me recommander, ni d’accès à la librairie tant que je n’aurais pu obtenir l’autorisation du Hochmeister .
Or le frère était souffrant, les visites à l’enfermerie, interdites, et le grand maître, absent. Le cercle était vicieux.
Quelques jours plus tard cependant, mon enquête fit un considérable bond en avant.
Je venais de vêtir mon haubert à triple mailles finement enlacées, bouclais la fibule de mon ceinturon et glissais mon épée dans le fourreau, lorsque le frère hospitalier me remit discrètement un pli de la part de frère Wilhelm. En me recommandant de m’accoiser si nous ne voulions pas encourir les foudres d’un supérieur.
La Règle était stricte. Seul le frère en charge de l’enfermerie avait le droit de communiquer avec les autres frères. Seul maître en sa demeure en sa qualité de mire, il n’était guère d’un naturel accommodant. Bien évidemment, frère Wilhelm avait agi avec la plus grande discrétion pour le prier de me remettre ce pli lorsqu’il était passé à l’enfermerie pour prendre les ordres du mire et faire livrer les pansements, les décoctions, provisions de bouche et de lingerie.
Je remerciai chaleureusement le frère hospitalier, le priai de lui remettre de ma part la bague que Mathilde d’Œttingen m’avait remise. Il saurait quel usage en faire, avais-je ajouté en l’assurant de mon silence, pressé toutefois qu’il s’esbignât pour me permettre de lire le parchemin plié in quattro.
Un court message du chevalier von Forstner, gratté à la hâte, m’informait qu’il serait très vite rétabli pour guerroyer à nos côtés. Il me priait de prendre connaissance de la carte jointe et des informations que lui avait révélées un mestre-capitaine d’une nef de la ligue hanséatique, dont d’aucunes appartenaient à l’Ordre et faisaient commerce avec les pays méridionaux.
Une magnifique carte reproduisait l’emplacement des États de d’Occident et des autres royaumes qui bordaient la mer Méditerranée ; y étaient dessinés avec moult précisions les contours des autres royaumes d’Est en Ouest. Le fruit de connaissances collationnées et complétées depuis l’Antiquité.
Wilhelm von Forstner avait tracé sur la carte un trait rectiligne. En marge, il stipulait que le trait correspondait en tous ses points avec un angle d’azimut de 31.47 ! Je pouvais ainsi enfin vérifier l’exactitude de mon intuition : l’azimut devait passer par la salle souterraine de l’ancienne commanderie des derniers chevaliers Templiers, pas très loin du village fortifié de Commarque.
À l’époque, après être alors monté sur la table ronde pour mieux examiner le sommet de la voûte, j’avais trouvé étranges l’aspect et la forme de la pierre qui scellait la croisée d’ogive. Elle était d’une couleur différente et d’une dimension plus réduite que celle que l’on observe habituellement. Peut-être n’était-ce qu’un effet de faux-semblant à la lumière de ma torche. Cependant, quelque chose, un vague pressentiment, que mes savants calculs ne pouvaient expliquer, me laissait penser que la clef de voûte
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