La mariage du Viking
Songeur, Svend porta sa corne d’ale aux lèvres, et se prit à contempler sa progéniture avec fierté. Einar avait pour lui la témérité et l’intelligence, tandis qu’Hamar se montrait sage et avisé. A eux deux, ils sauraient parfaitement diriger son peuple quand il partirait pour le Valhalla.
— Combien faut-il demander, dans ce cas ?
— Mille pièces d’argent.
Hamar faillit s’étrangler de surprise tandis que Svend s’affaissait dans son fauteuil en dévisageant son fils.
— Et si le Saxon ne peut pas payer, nous tuerons le garçon ?
— Non.
Svend leva un sourcil surpris mais, au fond de lui-même, la satisfaction le remplissait de joie. Depuis trop longtemps, il craignait qu’Einar ne se souciât d’avoir ou non un fils. Après que son épouse fut morte en donnant naissance à une fille, tous avaient cru qu’il se remarierait sans attendre. Pas une seule jeune femme dans le village n’aurait refusé de prendre la place de Nissa, de lui apporter le bonheur d’avoir enfin à ses côtés une compagne fidèle et douce.
Dotée d’une magnifique chevelure d’or, Nissa avait été très belle. Il n’existait pas un guerrier qui n’eût envié Einar le jour de leur mariage. Peu à peu, cependant, sa jeune épouse lui avait fait clairement entendre qu’elle détestait se retrouver seule au lit pendant qu’il s’absentait. Les dieux avaient donc jugé préférable qu’elle mourût en couches car, un jour ou l’autre, Einar, blessé dans son orgueil de mâle, aurait fini par la châtier de ses infidélités. En la tuant.
Mais voilà qu’Einar, loin de toutes ces considérations,débordait aujourd’hui d’admiration pour le fils d’un ennemi. Et, de surcroît, il semblait quasiment fou de la très belle Saxonne. Aucune autre raison, en effet, n’aurait pu le pousser à désobéir aux ordres de son père. Et Svend ne comprenait que trop bien ce sentiment.
A la vérité, ce dernier aurait même été déçu de constater que son fils pût ignorer une telle femme. Une femme dotée d’une admirable beauté et de qualités tout aussi merveilleuses. Une femme qui saurait sûrement donner naissance à de beaux enfants. Ne ferait-elle pas une épouse idéale pour Einar ?
— Et pour la sœur du garçon ? interrogea soudain Svend en se ressaisissant.
— Demandons cinquante pièces.
— Et, si le Saxon refuse de payer ces cinquante pièces, je crois que nous pourrons la vendre aux négociants qui remontent du sud. C’est une belle enfant.
— Olva l’aime beaucoup.
Cette fois, Svend se montra réellement surpris. Einar, qui semblait à peine conscient de l’existence de sa propre fille, se montrait soudain inquiet pour cette petite étrangère, tout en laissant croire qu’il voulait la garder pour plaire à Olva.
— Parfait, reprit Svend. Nous demanderons mille pièces d’argent pour le garçon, et cinquante pour la petite. S’il refuse de payer, nous dirons au Saxon que nous les vendrons comme esclaves. A présent, qu’a décidé notre nouvelle sage-femme ?
Svend avait posé cette question de l’air le plus naturel du monde, non sans observer soigneusement le visage d’Einar.
— Elle voudrait repartir chez elle au printemps,répliqua celui-ci. Elle croit pouvoir gagner assez d’argent pour payer son voyage en bateau.
— Dans ce cas, reprit Svend en avalant une nouvelle gorgée d’ale, nous devrons nous assurer qu’elle enseigne à une des femmes comment mettre les enfants au monde. Je crois qu’Endera se montrerait bonne élève.
— Endera est trop jeune, riposta Einar.
— C’est déjà presque une femme, fit remarquer Hamar.
— Si tel n’est pas ton désir, dit calmement Svend, je n’insisterai pas. Mais peut-être songes-tu à marier ta fille ?
Svend réprima non sans mal un sourire devant l’expression éberluée d’Einar. Manifestement, le temps courait trop vite pour son fils. Il n’était peut-être pas inutile de lui rappeler que jamais il ne rajeunirait et qu’il n’était pas immortel, comme les dieux.
— Ull, peut-être ? proposa alors son père.
— Quoi ? s’exclama Einar en bondissant.
Les hommes qui dînaient encore dans la salle levèrent les yeux.
— Assieds-toi, mon fils. Ce n’était qu’une suggestion, et je constate qu’elle est très mal venue.
— J’accepte que la Saxonne enseigne ce qu’elle sait à Endera, articula Einar en se rasseyant.
— Parfait, dit Svend en portant sa corne aux
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