La Marque du Temple
belle leçon de guerre.
— Non point leçon de guerre, messire chevalier. D’aucuns parmi vous pourraient m’en remontrer. Mais leçon de devoir. »
Messire d’Astignac précisa ensuite que j’avais ordonné la construction d’un magnifique couillard dont l’assemblage serait plus simple que celui d’un trébuchet et dont la précision et la cadence de tir seraient très supérieures : la baliste projetterait des boulets de 70 livres à une distance comprise entre 500 et 600 pieds, chacune des deux bourses articulées formant contrepoids d’environ 1 500 livres.
Les premiers essais se feraient le jour de la Sainte-Marie Madeleine, soit le 22 juillet, les réglages seraient achevés pour la Saint-Pierre des liens, le 1 er août. Quatre servants le rouilleraient. Raoul d’Astignac communiquerait les noms. Ils seraient déchargés d’autres corvées.
L’objectif était de parvenir à projeter dix boulets à l’heure, avec belle précision. La précision était essentielle pour démanteler les chats et les beffrois que l’ennemi serait tenté de mettre en branle contre les murs pour les investir ou les saper.
« À quel usage destinez-vous les mangonneaux ? interrogea l’écuyer Onfroi de Salignac, en se tournant vers moi.
— À la projection de pâtons durcis, enveloppés d’étoupe gorgés de poix et de soufre que nous affouerons pour bouter le feu dans la plaine. Ils ne devraient pas tarder à s’embraser en l’état si nous recommandons à nos manants – si d’aucuns ont survécu à l’epydemie –, le soin d’y abandonner plusieurs bottes de foin et de paille après les avoir fauchés.
« Nous couperons ainsi le corps de bataille de ses arrières et de ses lignes de ravitaillement pendant que nous les pilonnerons. Après, nous aviserons.
— Et les bricoles ? s’inquiéta Élastre de Puycalvet, l’écuyer qui m’avait fait compliment sur ma passe d’armes contre le chevalier Mirepoix de la Tour.
— Elles seront montées sur les remparts pour déciper et débaillier les assaillants, là où nous disposons d’un recul suffisant pour les mettre en mouvement.
« Si nos servants sont bien entraînés, ils pourront balancer près de 60 projectiles légers de cinq à dix livres à l’heure. De quoi faire moult magnifiques ravages dans les rangs ennemis. N’oubliez pas qu’un engin semblable a fracassé la tête de Simon de Montfort, lors de la guerre contre les hérétiques albigeois.
« Les exercices de tir des différents engins de jet à notre disposition se poursuivront assidûment jusqu’au jour de l’Éxal-tation de la Sainte-Croix, le 14 septembre. L’entraînement de tous devra être achevé pour la Saint-Michel au plus tard, le 29 septembre. Par Sainte-Barbe, si l’ennemi nous affronte plus tôt, à la grâce de Dieu ! S’il tente un assaut plus tard, nous décompisserons sur lui et le décervèlerons sans vergogne.
« Ah ! J’oubliais : deci en avant, nous ferons ripaille, modeste ripaille, mais tous ensemble ; nous apprendrons à mieux nous connaître. Notre union fera notre force face à l’adversité. On cornera dorénavant l’eau à sexte pour le dîner, et à complies pour le souper.
— Mais, messire, nous avons pour habitude de dîner vers onze heures et de souper à vêpres ! s’insurgea un autre écuyer qui avait pour nom Guilbaud de Rouffignac. Le plus jeune écuyer de la place, à voir son visage imberbe. Il devait appartenir à la maison de Mirepoix. Ou alors à celle de Lebestourac, me sembla-t-il.
« Qu’à cela ne tienne. Les habitudes sont porteuses de désastres. Il est temps de les rompre. Si les Godons venaient à nous rendre une visite peu amène, nous devrions faire front jour et nuit. Je croyais l’avoir déjà rappelé. Mais peut-être ne m’avez-vous pas bien ouï, messire de Rouffignac ?
« Si toutefois, vous souhaitez humer l’odeur des rôts, je vous propose de rejoindre les cuisines en qualité d’écuyer tranchant. Vous saliverez en apprenant à jouer du cotel de table ! »
Le jeune écuyer rougit jusqu’à la racine des cheveux, tandis que ses compains cacardaient comme des oies bien gavées.
« Nous prendrons messe ce soir, à l’heure des vêpres, avant le souper. Les sergents de garde en seront naturellement dispensés. Ceux qui souhaitent se joindre à nous seront les bienvenus. Messire d’Astignac, ne prévenez le chapelain qu’une heure avant l’office. Qu’il ait le temps de dresser
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