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La Marquise de Pompadour

Titel: La Marquise de Pompadour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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aux traits accentués par la nature, mais aveulis par les passions basses, portait les stigmates du vice. Il était vêtu avec une richesse de mauvais aloi. Son habit, un peu trop éclatant, portait des traces de vin ; son gilet à basques était de satin, mais il avait des accrocs ; il avait des boucles d’or à ses souliers, mais ces souliers étaient boueux. Son tricorne était un peu posé de travers sur sa perruque.
    – Ouf ! dit-il en se laissant tomber sur un fauteuil. Qu’il fait chaud !…
    – Et soif ? dit Jeanne d’un ton câlin en venant s’asseoir près de lui.
    – Ma fille, dit l’homme en riant d’un rire épais, rappelle-toi bien une fois pour toutes ce que dit papa Poisson… Noé Poisson… Eh bien, il fait toujours soif, été comme hiver, automne et printemps… la soif, vois-tu… c’est la grande amie de l’homme… car un homme qui n’a pas soif, eh bien, il ne boit pas, le malheureux !
    – Et vous, vous avez toujours soif ? dit Jeanne en surmontant le dégoût que lui inspirait le personnage.
    – Toujours, ma fille !… Mais comme te voilà gentille aujourd’hui !… Ce n’est pas pour t’en faire le reproche, mais toutes les fois que je viens ici… tous les quinze ou vingt jours… c’est à peine si tu adresses la parole à ton pauvre père ! Ton pauvre père ! ajouta-t-il en exhibant un ample mouchoir rempli de grains de tabac, et en s’essuyant les yeux.
    Fut-ce la douleur ? ou le tabac qui pénétra sous les paupières ?… Il est certain que ces yeux, incontinent, se remplirent de larmes, de grosses larmes authentiques.
    – Tu vois, dit-il, j’en pleure !… Qu’est-ce que je disais ?… Ah ! oui… que j’ai toujours soif. Je ne sais trop comment cela m’arrive, mais plus je bois, plus j’ai soif… Seulement…
    – Seulement ?… Voyons, racontez-moi vos petits chagrins…
    – Mais comme tu es donc gentille aujourd’hui, fillette !…
    – Que voulez-vous, fit Jeanne en frissonnant… il y a des jours où je suis si heureuse que je tâche de rendre tout le monde heureux autour de moi !…
    – Ah ! oui… je sais… il paraît que demain est un grand jour… et qu’il faudra que je me mette sur mon grand tralala… bon !… mais si tu es heureuse, je ne le suis pas, moi !… Comprends-tu cela ? Je suis dans un jour de soif enragée, et je n’ai pas d’argent !
    – Vraiment ?…
    – C’est la vérité pure. A telle enseigne que mon ami Crébillon m’a soutenu tout à l’heure que j’étais ivre… Ivre ! moi !… Tu vois, cela me fait pleurer…
    Il est sûr que rarement Noé Poisson avait été aussi ivre que ce jour-là.
    Jeanne se tordait les mains de désespoir.
    Poisson aurait-il assez de sang-froid pour porter la lettre ?…
    Elle se posait cette question avec une angoisse grandissante. Mais, d’autre part, l’ivresse manifeste du personnage n’était-elle pas une garantie contre toute trahison ?
    – Ecoutez ! fit-elle en prenant tout à coup son parti. Vous avez besoin d’argent ? Je vais vous en donner.
    Et elle fit luire aux yeux de l’ivrogne une bourse qui contenait une dizaine de louis.
    Poisson étendit vaguement les mains, tandis que son œil atone s’enflammait soudain.
    – Oh ! oh ! fit-il simplement, mais sur le ton de la plus profonde tendresse admirative.
    – Cette bourse est à vous, à condition que vous me rendiez un léger service.
    – Dix services ! cent services ! mille et mille services !
    – Prenez cette lettre, continua Jeanne… Bien… Lisez l’adresse… rue Saint-Honoré… Vous y êtes ?… Bien… Cachez la lettre dans la plus secrète de vos poches… Bien… Attendez, refermons bien votre gilet… Maintenant, vous allez me jurer deux choses.
    – Je les jure ! dit Poisson en étendant la main.
    – Attendez ! s’écria Jeanne avec la patience d’une âme désespérée. La première, c’est de sortir de cet hôtel sans parler à personne… vous entendez ? à personne !
    – C’est dit !…
    – La deuxième chose que je vous demande, c’est d’aller jusqu’à la rue Saint-Honoré sans vous arrêter… Si vous voyez un cabaret, tournez la tête…
    – C’est dit, fillette !… à moi la bourse !
    Jeanne lui tendit la bourse que l’ivrogne soupesa un instant, qu’il porta ensuite à ses lèvres et qu’il finit par faire disparaître dans une de ses poches.
    La jeune fille joignit les mains.
    – Je vous en supplie,

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