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La Marquise de Pompadour

Titel: La Marquise de Pompadour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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n’avait aucune de ces intonations canailles qu’on retrouve si souvent chez les malheureuses filles d’amour.
    Car cette jeune femme était une fille galante !…
    M. Jacques, ayant achevé son double examen, tendit le bras vers le clavecin et demanda :
    – Vous faites de la musique ?
    – Oui… assez bien pour être entendue sans ennui. Voulez-vous…
    Déjà elle se levait, docile, prête à contenter la musicale envie qu’elle supposait au visiteur que lui envoyait le hasard, – pensait-elle.
    – Merci, dit M. Jacques en la contenant d’un geste. Simple curiosité. Excusez-moi. Mais dites-moi, je vois à ces murs des toiles non signées…
    – Elles sont de moi, monsieur. Je m’exerce à la peinture, et vous voyez, je ne réussis pas plus mal qu’un autre. Voici une copie du
Voyage à Cythère
qu’on a bien voulu…
    – Je vois, je vois… Demeurez assise, mon enfant. Ainsi, peintre et musicien… tant mieux…
    – Pourquoi tant mieux ? se demanda la jeune femme étonnée.
    – Dites-moi, reprit M. Jacques, c’est bien vous qui vous appelez M lle  Juliette Bécu ?…
    – Oui, monsieur… mais j’ai changé mon nom que je trouvais un peu… vulgaire.
    – Oui, je sais… vous vous faites appeler mademoiselle Lange ?
    – L’Ange ! dit Juliette Bécu en riant. C’est bien cela. Ange un peu déchu, par exemple ! mais que voulez-vous… il faut vivre !…
    – Je sais… je sais… dit M. Jacques en hochant la tête. Vous menez une triste existence, mon enfant, et ce doit être bien pénible pour vous, intelligente, belle comme vous êtes.
    – Seriez-vous prêtre ? fit Juliette Bécu non sans quelque inquiétude.
    – Je ne dis pas non, répondit M. Jacques. Croyez de moi ce que vous voudrez. Peu importe. C’est de vous qu’il s’agit, et ce qui importe, c’est…
    A ce moment, d’une pièce voisine, partirent des cris d’enfant qui se réveille et appelle.
    Juliette Bécu se leva précipitamment en disant :
    – Excusez-moi une minute, monsieur, c’est l’enfant qui demande à boire, la pauvre chérie !… Me voici ! me voici ! Ne pleure pas, mignonne !…
    En même temps, elle entra vivement dans la pièce voisine et alla se pencher sur un berceau où une fillette de trois ans environ, un joli petit ange aux yeux mordorés, aux cheveux bouclés, était couchée dans de la dentelle.
    Car si tout était triste d’usure en ce logis, le berceau était au contraire une merveille de riche élégance.
    L’enfant tendit ses petites mains, et voyant Juliette, s’apaisa aussitôt et se mit à sourire. Juliette lui offrit à boire un peu de lait tiède dans une tasse de porcelaine qu’elle prit sur une veilleuse. L’enfant but, embrassa Juliette, laissa retomber sa tête sur l’oreiller, et presque aussitôt se rendormit, toute souriante.
    La fille galante, devenue soudain très grave, se pencha alors, déposa un baiser léger comme un souffle sur le front de ce pauvre petit ange, et se reculant de deux pas, la contempla avec une indicible expression de tendresse.
    – Votre fille ? interrogea une voix qui fit tressaillir Juliette.
    Elle se retourna, vit son visiteur qui, curieusement, était entré et avait assisté à toute cette scène intime.
    – Non, fit-elle à voix basse, ce n’est pas ma fille.
    Et lorsqu’ils furent revenus dans la première pièce, elle continua :
    – C’est Anne… ma petite sœur…
    Oui ! Cette enfant s’appelait Anne Bécu !… Elle devait plus tard s’appeler, elle aussi, M lle  Lange, comme sa sœur Juliette dont elle devait hériter… Et plus tard encore, le 8 décembre 1793, elle devait porter sa tête sur l’échafaud !…
    Mais demeurons dans le cadre de notre récit.
    – Une bien jolie enfant, reprit M. Jacques, et que vous semblez aimer de tout votre cœur ?…
    – C’est vrai, monsieur !… Tenez, je vois bien que vous avez quelque chose à me dire… que vous ne venez pas pour… comme les autres, enfin ! Cela m’inspire confiance, et je puis vous le dire : cette enfant, c’est toute ma joie dans ce monde. Lorsque ma pauvre mère est morte, il y a deux ans, elle m’a montré d’un regard la pauvre petite qui allait se trouver sans mère… Alors, que voulez-vous, je me suis mise à être sa mère ! Et moi qui dois jouer la comédie de l’amour si je veux vivre, eh bien, j’en suis arrivée à me figurer que j’ai aimé réellement, moi aussi ! Que moi aussi, j’ai été aimée !

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