La naissance du roi Arthur
sur
les terres du duc Gorlais. Il pillait les villages, brûlait les moissons et
assiégeait les châteaux dans l’espoir fou de voir un jour la belle Ygerne se
livrer à lui en échange de la paix. Par ses espions, il apprenait tout ce qui
se passait chez le duc, mais il ne parvenait pas à se rendre maître de la
forteresse de Tintagel, si bien protégée sur son promontoire qui dominait la
mer, et que de solides remparts isolaient de la terre. Et plus les jours
passaient, plus le roi Uther sentait grandir son amour pour Ygerne. Il en
perdait presque la raison. Un jour qu’il se trouvait seul sous sa tente, il se
mit à pleurer. Mais Urfin, qui était à côté, l’entendit et vint le trouver.
« Pourquoi pleures-tu ainsi, roi Uther ? » lui demanda-t-il.
L’autre s’écria : « Comme si tu ne savais pas les raisons de mes
larmes ! Je meurs d’amour pour Ygerne, et je ne vois pas d’autre issue que
la mort, car j’ai perdu le repos et je ne connais aucun remède à mon
mal ! »
« Honte sur toi ! répondit Urfin. C’est le propre
du lâche que de mourir pour une femme ! Au lieu de te lamenter, tu ferais
bien de faire chercher Merlin. Il t’a promis aide et assistance chaque fois que
tu serais en danger ou qu’une difficulté majeure se présenterait à toi. Envoie
donc des messagers à la recherche de Merlin, et quand ils te l’auront amené,
suis ses conseils, fais tout ce qu’il te demandera, à condition bien entendu
que tu lui donnes tout ce qu’il désirera ! »
« Mais on ne peut pas amener Merlin ! s’écria le
roi en proie au plus profond désespoir. En ce moment même, il sait très bien
quel est mon état, et je suis sûr qu’il en rit. Il ne peut admettre que j’aime
ainsi la femme de mon vassal et que je sois prêt à accomplir n’importe quel
acte, le plus malhonnête possible, pour tenir la belle Ygerne entre mes
bras ! » – « Si Merlin t’a promis aide et assistance en toute
occasion, il n’est pas possible qu’il te laisse dans cet état, dit Urfin. Je
suis persuadé qu’il n’est pas loin et qu’il voudra bientôt te
rencontrer. » Ayant ainsi tenté de rassurer le roi Uther, Urfin sortit de
la tente. Soudain, il avisa un homme qu’il n’avait jamais vu dans le camp.
« Qui es-tu ? » demanda-t-il. L’autre lui fit signe d’aller à
l’écart et il le rejoignit. L’homme paraissait vieux et voûté, mais ses yeux
étaient brillants comme des étoiles. « Seigneur Urfin, dit-il, tu m’as
demandé qui j’étais. Je te répondrai : un vieillard. Lorsque j’étais
jeune, on me considérait comme un ange, mais à présent on dit que je radote. Je
t’apprendrai cependant, sous le sceau du secret, que je me trouvais il y a peu
de temps à Tintagel. Là, j’ai fait la connaissance d’un homme qui m’a appris
que ton roi aimait la femme du duc Gorlais, et que c’est parce que le duc avait
emmené sa femme de Carduel que le roi avait entrepris de ravager ses terres.
Or, si tu me fais confiance et si tu me donnes une bonne récompense, je
t’indiquerai quelqu’un qui pourrait procurer à ton roi un entretien avec la belle
Ygerne et, qui sait ? peut-être encore mieux, du moins pour lui. »
Urfin ne fut pas peu surpris du discours du vieillard. Il se
demandait bien d’où il tirait ses renseignements et quel était le sens exact de
la proposition qu’il venait de faire. Il le pria cependant de le mettre en
rapport le plus rapidement possible avec l’homme dont il parlait. « Je
veux d’abord savoir, répliqua le vieillard, en quoi consistera ma
récompense. » – « Je ne peux pas te le dire tant que je n’en ai pas parlé
au roi », dit Urfin. – « Alors, dit l’autre, qu’attends-tu pour aller
le voir et le lui demander ? » – « Mais qui me dit que tu seras
encore là lorsque je reviendrai avec sa réponse ? » – « Je peux
t’assurer que tu me trouveras ici, au même endroit, ou bien alors celui que
j’enverrai à ma place. » Satisfait de cette réponse, Urfin courut jusqu’à
la tente du roi et lui raconta sa rencontre avec le vieillard.
« Connais-tu cet homme ? » lui demanda le roi. – « C’est un
vieillard, c’est tout ce que je peux t’en dire ! » Le roi se mit à
réfléchir. « Je vais venir avec toi », dit-il brusquement.
Ils sortirent de la tente et se dirigèrent vers l’endroit où
Urfin avait rencontré le vieillard. Mais il n’y avait plus personne, et Urfin
en fut
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