La naissance du roi Arthur
et qu’il
n’avait jamais haï le duc au point de chercher à le tuer. Et il ajouta que, ne
voulant pas qu’on lui reprochât sa mort, il ferait tout son possible pour
réparer cette perte.
Après cet habile discours, ce fut Urfin qui prit la
parole : « Puisque le mal est fait, il faut le réparer de notre
mieux. Aussi, seigneurs, je vous demande votre avis sur cette question :
quelle réparation le roi peut-il offrir à la duchesse et à ses parents pour la
mort de son mari ? C’est le roi qui vous demande votre avis sur ce point,
et je vous prie de bien vouloir le conseiller, puisqu’il est votre
seigneur. »
Les barons se concertèrent mais ne trouvaient aucune
solution qui ne fût acceptable par tous. À la fin, Urfin intervint et leur
dit : « Seigneurs, voici ce que, personnellement, je conseillerai au
roi. Si vous trouvez mieux, je vous prie de le faire savoir. Je proposerai au
roi de convoquer à Tintagel la veuve du duc Gorlais ainsi que tous ses parents
et ceux de sa femme. Ils devront comparaître devant lui et se verront offrir,
en compensation de la mort du duc Gorlais, une réparation telle que s’ils la
rejettent le blâme en retombera sur eux. » Les barons trouvèrent la
proposition excellente et vinrent la présenter au roi, mais sans préciser qu’il
s’agissait d’une proposition d’Urfin, car il leur avait défendu de ne rien en
dire. Le roi les approuva entièrement et fit convoquer à Tintagel la veuve du
duc et ses parents.
Cependant Merlin prit le roi à part : « Sais-tu,
lui dit-il, qui est l’auteur de cette proposition ? » « Elle m’a
été faite par tous mes barons », répondit Uther. Merlin se mit à rire et
dit : « À eux tous, ils n’auraient pas été capables de l’imaginer.
Non, c’est Urfin, qui est plein de sagesse et qui est envers toi d’une fidélité
à toute épreuve, qui a trouvé la solution. Et encore, il ne l’a pas exprimée
entièrement. Il n’en a parlé à personne et il ignore que je la connais. »
– « Quelle est donc cette solution entière ? » demanda le roi.
Merlin lui expliqua exactement ce qu’avait imaginé Urfin, et le roi fut tout
joyeux de l’apprendre. Puis il ajouta : « Je ne saurais te donner
meilleur conseil que de suivre l’avis d’Urfin. Ainsi obtiendras-tu ce dont tu
as tellement envie. Maintenant, je vais m’en aller, roi Uther, mais quand je ne
serai plus là, Urfin saura sagement te conseiller. Et je voudrais, avant de
prendre congé, te parler en sa présence. »
Uther fit venir Urfin. Alors Merlin dit au roi :
« Rappelle-toi que tu m’as promis de me donner l’enfant mâle que tu as
engendré, car il n’est pas possible que tu le reconnaisses comme ton fils. Tu
as noté l’heure et la nuit où il a été engendré, grâce à moi, comme tu le sais.
Mais si je ne venais pas à ton aide, le péché retomberait publiquement sur toi.
Quant à sa mère, elle risque fort d’être embarrassée par cette naissance, et
elle se posera toujours des questions à ce sujet. Je veux également qu’Urfin
mette bien par écrit la date exacte où l’enfant a été engendré. Je ne
reviendrai plus avant que cet enfant ne soit né, mais je te prie, roi Uther,
d’avoir confiance en Urfin qui t’est entièrement dévoué et qui saura te
conseiller pour ton honneur et ton profit. Mais si, tous les deux, vous voulez
conserver mon amitié, n’agissez jamais de façon déloyale avec moi car, dans ce
cas, je serais obligé de prendre des dispositions qui ne vous seraient pas
agréables. »
Urfin mit par écrit l’heure et la nuit où l’enfant avait été
engendré. Puis, prenant encore le roi à part, Merlin lui dit à voix
basse : « Uther, prends bien soin qu’Ygerne ignore toujours que tu as
couché avec elle la nuit où est mort son époux. Elle en sera d’autant plus à ta
merci, car si tu la questionnes sur sa grossesse et si tu lui demandes quel est
le père de cet enfant, elle ne pourra pas te le dire et elle sera pleine de
confusion à ton égard. Ainsi tu m’aideras grandement à obtenir l’enfant quand
le temps sera venu. »
Ayant ainsi parlé, Merlin quitta la cour d’Uther. Mais il ne
se rendit pas auprès de l’ermite Blaise dans la forêt de Kelyddon. Il alla plus
au nord, à la cour du roi Rydderch, car celui-ci venait d’épouser sa sœur
Gwendydd, et Merlin avait hâte de la retrouver et de faire connaissance avec
son mari. Mais l’histoire ajoute que le roi Rydderch
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