La naissance du roi Arthur
Ils
parvinrent bientôt aux abords de la forteresse. Là, Merlin dit au roi de rester
en arrière et s’avança seul en compagnie d’Urfin. En cours de chemin, Merlin
changea d’aspect, et il en fit de même pour Urfin. Alors ils revinrent vers
Uther qui les attendait avec anxiété. Merlin lui tendit une herbe et lui dit de
s’en frotter le visage. Ainsi fit Uther, et aussitôt il fut tout à fait
semblable au duc Gorlais. « Roi Uther, reprit Merlin, te souviens-tu
d’avoir déjà vu Jourdain ? » – « Certainement », répondit
le roi. – « Alors, qu’en penses-tu ? » reprit Merlin en lui
désignant Urfin. – « C’est incroyable ! » s’écria le roi. Quant
à Urfin, il regardait le roi et n’en revenait pas de cette transformation
soudaine. Enfin tous deux examinèrent Merlin qui ressemblait parfaitement à
Bretel.
Quand le moment fut jugé favorable, ils allèrent tous les
trois vers la porte de Tintagel et Merlin appela le portier. Celui-ci reconnut
aussitôt Bretel, Jourdain et le duc Gorlais et se hâta de leur ouvrir la porte.
Une fois à l’intérieur des murs, le soi-disant Bretel défendit aux hommes de
garde de dire que le duc était là. Ils se dirigèrent alors vers le logis du duc
et Merlin prit à part Uther, lui recommandant de se montrer avec Ygerne aussi
gai et enjoué que le duc. Puis Uther se dirigea seul vers la chambre d’Ygerne.
Ainsi couchèrent ensemble cette nuit-là le roi Uther Pendragon et la duchesse
Ygerne de Tintagel, et c’est cette nuit-là que fut engendré le roi qu’on appela
plus tard Arthur. La dame accueillit Uther avec toute l’ardeur dont elle aurait
comblé le duc son époux qu’elle aimait tendrement. Et ils restèrent ainsi
jusqu’à l’aube. Puis, au lever du jour, le bruit courut parmi les gardes que le
duc avait été tué au cours d’une tentative nocturne contre le gros des troupes
d’Uther. Ce ne fut d’abord qu’une rumeur, mais dès que Merlin et Urfin l’eurent
entendue, ils coururent réveiller Uther, faisant semblant d’être Bretel et
Jourdain et parlant au roi comme s’il était le duc :
« Seigneur ! dirent-ils, levez-vous vite et regagnez votre camp, car
vos gens vous croient mort ! » Uther comprit quel jeu il devait
jouer. « Ce n’est pas étonnant, s’écria-t-il bien haut pour que tout le
monde pût l’entendre, puisque j’ai quitté le camp sans prévenir personne et
dans le plus grand secret. J’avais tant hâte de revoir ma chère
Ygerne ! »
Il fit alors de tendres adieux à Ygerne devant tous ceux qui
se trouvaient présents. Puis, redescendant par la porte, les trois hommes
quittèrent la forteresse au plus vite sans avoir été reconnus par quiconque, et
pour la plus grande joie du roi Uther. Quand ils furent dans un endroit sûr,
Merlin leur rendit leur aspect naturel, puis il dit au roi : « Uther,
je pense que j’ai tenu ma promesse. À toi maintenant de tenir la tienne. »
– « Merlin, répondit le roi, j’avoue que tu m’as rendu le plus grand
service dont j’aie jamais eu besoin. Je tiendrai ma promesse envers et contre
tous, si Dieu le veut. » Merlin se mit à rire et dit : « A la
bonne heure ! Je vois que tu n’es pas un ingrat qui, une fois son plaisir
assouvi, ne cherche qu’à fuir toutes les promesses faites auparavant. Apprends
donc que cette nuit même tu as engendré un enfant mâle et que tu m’en as fait
don. De toute façon, tu ne pourrais pas le garder, car alors ta mauvaise action
serait connue de tous et tu serais déshonoré à jamais. Tu me le donneras donc
avec tous les droits que tu as sur lui. Tu feras également noter l’heure et la
nuit où tu l’as engendré, et tu sauras ainsi que je t’ai dit la vérité. »
Le roi dit : « C’est entendu, Merlin, tu as ma parole. Je ferai ce
que tu me demandes et je te donnerai l’enfant. »
Quand ils arrivèrent au camp, on vint leur annoncer que le
duc Gorlais avait été tué au cours d’une attaque qu’il avait menée par
surprise, au milieu de la nuit. Le roi déclara qu’il était très affligé de la
mort de son vassal, même si celui-ci s’était mal conduit envers lui. Et puisque
le duc était mort, la guerre entreprise contre lui devenait sans objet. On
renvoya les hommes chez eux, et Uther Pendragon réunit ses barons afin de
discuter de la réparation qu’il pourrait proposer pour ce qui était arrivé au
duc de Tintagel. Il leur dit qu’il était très peiné par cette affaire
Weitere Kostenlose Bücher