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La naissance du roi Arthur

La naissance du roi Arthur

Titel: La naissance du roi Arthur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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frère. « Tu es bien
sévère pour moi. Mais je ne t’en veux pas. Goûte plutôt ces breuvages que je
t’ai apportés. » Merlin prit la coupe d’argent et la renifla.
« Qu’est-ce que c’est ? » – « C’est du vin, mon frère
chéri. Bois-le et tu sentiras l’ivresse se glisser dans ton cœur. » Merlin
renversa la coupe sur le sol et dit : « Du vin ? Sa nature est
mauvaise, et dans tout ce pays, parce qu’ils veulent absolument en boire, les
riches deviennent pauvres. » Il prit la coupe de sycomore.
« Qu’est-ce que c’est ? » – « C’est de la bière, mon frère
chéri. » Merlin renversa la coupe sur le sol et dit : « La bière
prive le sage de sa raison. » Il prit ensuite la corne. « Qu’est-ce
que c’est ? » – « De l’hydromel, mon frère chéri. » Merlin
eut un geste de colère, jeta à terre la corne et la piétina. « C’est à
cause de l’hydromel que tant de chefs, ivres de vaine gloire, conduisent les
hommes au combat et font couler le sang ! » Alors il secoua la cruche
blanche. « Qu’y a-t-il là-dedans ? » – « C’est du lait, mon
frère chéri. » Merlin demeura pensif. « Oui, dit-il, le lait nourrit
le jeune enfant, il guérit le malade, fortifie le faible et secourt le
malheureux. Mais je ne suis ni un enfant, ni un malade, ni un faible, ni un
malheureux. Tu peux le donner à quelqu’un d’autre ! » Il prit alors
le vase de terre cuite. « Que contient-il ? » – « De l’eau,
mon frère bien-aimé. » Merlin brisa le vase contre le tronc de l’arbre et
s’écria d’un ton méprisant : « De l’eau ! J’en ai tant que j’en
veux, et elle est bien meilleure que celle que tu m’apportes ! »
    Gwendydd ne savait plus quoi dire. En elle-même, elle ne
pouvait décider si Merlin était réellement fou ou s’il la soumettait à une
épreuve. « Au fait, dit Merlin brusquement, pourquoi es-tu venue me voir,
femme trompeuse, fausse et adultère ? » – « Tais-toi, mon
frère ! Je suis seulement venue te confier mes rêves pour que tu m’en
donnes le sens. » Elle raconta alors son premier rêve : elle s’était
vue dans un immense champ recouvert de nombreux tertres de pierres de petite
taille, parmi lesquels se trouvaient seulement des buttes plus importantes.
Elle avait vu une foule de gens prendre les pierres des petits tertres pour les
placer sur les gros. Ayant entendu ce récit, Merlin éclata de rire et
dit : « C’est facile : les petits tertres, ce sont les paysans
et tous ceux qui travaillent, et les gros tertres, ce sont ceux qui vivent du
travail des autres. Quant aux gens qui déplacent les pierres, ce sont des
imbéciles ou des lâches : ce sont les serviteurs des nobles qui profitent
de leur situation pour appauvrir encore davantage les petites gens et commettre
beaucoup d’injustices dans le monde, tout cela sous le couvert des coutumes et
des lois, quelquefois par la force, quelquefois par la ruse et le vol. Es-tu
satisfaite, ma sœur ? »
    « Oui », dit Gwendydd. Et elle raconta son
deuxième rêve : elle avait vu un bosquet d’aulnes magnifiques. Des hommes
venaient avec de grandes haches et abattaient les arbres. Mais des souches des
aulnes surgissaient des ifs splendides qui répandaient leurs pointes très haut
dans le ciel. « C’est facile, dit Merlin. Le bosquet, c’est l’île de
Bretagne et son vieux peuple, ceux qu’on appelle les Bretons. Les hommes qui
portent des haches, ce sont les envahisseurs qui se sont jetés et qui se
jetteront encore sur nous, et qui feront un massacre des hommes de valeur qui
sont sur cette terre. Mais il y en aura d’autres qui surgiront, comme les ifs,
héritiers de toutes nos traditions, et qui redonneront à la Bretagne sa
splendeur et sa puissance d’autrefois [87] .
Es-tu satisfaite ? »
    « Oui », dit Gwendydd. Et elle raconta son
troisième rêve. Elle s’était vue sur un rivage très bas et très plat au-dessus duquel
se dressait un grand nombre de buttes recouvertes de gazon bien vert. Alors la
terre s’était mise à trembler et les buttes s’étaient effondrées. À leur place,
elle avait vu des tas de fumier, mais sur ce fumier s’étaient mises à grandir
toutes sortes d’herbes et de fleurs. « C’est facile, dit Merlin. Le rivage
représente l’île de Bretagne et les buttes sont nos anciens chefs, ceux qui ont
donné à ce royaume sa puissance et sa gloire. Mais le tremblement de

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