La naissance du roi Arthur
ailleurs. Rydderch insista : « Pourquoi
as-tu ri si bruyamment ? » – « Je ne dirai rien », répondit
Merlin. Le roi était furieux, mais il fit taire sa colère et tenta d’amadouer
Merlin en le flattant : ce qu’il voulait absolument savoir, c’était
pourquoi Merlin avait ri. Ce petit jeu dura toute la soirée. À la fin, Rydderch
n’y tint plus : « Écoute, Merlin, dit-il, si tu me dis pourquoi tu as
ri, je te fais enlever ces chaînes qui t’entravent et tu pourras aller où bon
te semble ! » Le visage de Merlin s’éclaira : « Je veux ta
parole, dit-il, qu’il ne m’arrivera rien de fâcheux si je te dis la vérité, et
que tu me laisseras libre d’aller où je veux. » – « Je t’en donne ma
parole », répondit le roi. Alors Merlin lui dit : « Roi
Rydderch, quand tu as enlevé la feuille des cheveux de ma sœur, tu as commis une
bonne action, certes, mais aussi une mauvaise, car, ce faisant, tu effaçais une
faute que tu n’avais pas à pardonner. Voilà pourquoi je riais. Il me semble que
j’ai toujours prétendu ne pas savoir distinguer entre le bien et le mal. »
Le roi demeura pensif un bon moment. « Ce n’est pas une explication,
dit-il enfin, et je ne me sens pas tenu par la parole que je t’ai donnée. Si tu
veux être libre, tu dois me donner satisfaction. » – « Tu l’auras
voulu, dit Merlin. Eh bien, sache que je riais parce que cette feuille dans les
cheveux de ta femme révélait qu’elle revenait d’un bosquet où elle avait
rencontré son amant. »
« Comment ? s’écria Rydderch. Qu’est-ce que cela
veut dire ? » Et il se tourna vers Gwendydd. « C’est à toi de
parler, maintenant », lui dit-il. Gwendydd s’efforçait de sourire, mais on
voyait bien qu’elle était fort embarrassée. « Roi, répondit-elle, comment
peux-tu prendre au sérieux ce que raconte mon pauvre frère ? Tu sais bien
qu’il n’a pas toute sa raison. D’ailleurs, si ce qu’il a dit était la vérité,
étant donné qu’il est mon frère, il se serait tu pour ne pas me causer
d’ennuis. » Et Gwendydd alla embrasser affectueusement Merlin. « Très
bien, reprit le roi. Mais avant de libérer ton frère, je consens à ce que tu
puisses te justifier. » Gwendydd dit : « Ce n’est pas difficile.
Je vais te prouver que mon frère a perdu tous ses dons de voyance. Je te
demande seulement de rester ici pendant que je préparerai les éléments de
l’épreuve. » Et Gwendydd sortit, emmenant avec elle une de ses suivantes.
Elle revint bientôt et présenta à Merlin un enfant qu’elle
tenait par la main. « Peux-tu me dire comment ce garçon
mourra ? » demanda-t-elle. Merlin répondit : « Il mourra en
tombant du haut d’un rocher. » Gwendydd emmena le garçon, mais une fois
dehors, avec la complicité de sa suivante, elle lui mit d’autres habits et,
grâce à des fards, elle modifia l’aspect de son visage. Alors elle revint
auprès de Rydderch et de Merlin. « Peux-tu maintenant me dire,
demanda-t-elle à son frère, comment cet enfant mourra ? » –
« Oui, dit Merlin, il mourra dans un arbre. » Gwendydd emmena le
garçon et, une nouvelle fois, lui modifia son aspect. Revenant vers son frère,
elle lui demanda encore de quelle façon mourrait l’enfant. Merlin
répondit : « Il mourra dans un fleuve ! » Gwendydd se mit à
rire et, avec l’aide de sa suivante, dégrima le garçon et prouva ainsi au roi
qu’il s’agissait du même enfant. Et Gwendydd dit : « Tu vois bien que
mon frère délire ! Comment un enfant pourrait-il mourir de trois manières
différentes ? » – « C’est juste, dit le roi. Je me repens
d’avoir douté de toi, Gwendydd, et je te prie de me pardonner. Cependant, je
dois considérer que Merlin a répondu à ma question et j’ai donné ma parole
qu’il serait délivré de ses chaînes. Mais si tu m’en croyais, Merlin, tu resterais
avec nous. Je t’assure que c’est en toute estime et affection que je te le
conseille. » Merlin répondit : « Je t’en remercie, roi Rydderch,
mais je préfère m’en aller. »
« Mais, dit encore le roi, il n’y a pas que nous,
Merlin, il y a aussi ta femme, Gwendolyn : tu n’as pas le droit de
l’abandonner ainsi ! » Merlin lui répondit : « Je ne suis
pas un homme pour Gwendolyn. Qu’elle se trouve un autre mari, et elle sera
beaucoup plus heureuse avec lui qu’elle ne pourrait l’être avec moi. J’y mets
cependant une
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