La naissance du roi Arthur
rival, entreprit de retourner
la situation. Elle harcelait sans cesse son mari pour qu’il châtiât durement les
rebelles à son autorité, puis, grâce à des messagers secrets qu’elle paya à
prix d’or, elle fit empoisonner le malheureux Vortimer. Et celui-ci, au moment
de mourir, demanda à ses compagnons de placer son tombeau dans le port d’où
s’étaient rembarqués les Saxons : ainsi, non seulement les ennemis ne
pourraient plus jamais accoster sur cette côte, mais tous ceux qui se
trouvaient encore sur l’île de Bretagne seraient obligés de se retirer pour ne
jamais plus revenir. Or, les compagnons de Vortimer négligèrent d’accomplir ce
vœu, et ce fut un grand dommage pour la Bretagne.
Car Hengist, entre-temps, avait demandé des renforts en
Germanie, des guerriers sûrs et bien entraînés. Ils vinrent en grand nombre
pour aider le chef saxon et les quelques fidèles qui lui restaient. De toute
façon, Hengist se méfiait de Vortigern qu’il pressentait vouloir le trahir,
malgré l’influence prépondérante de Ronwen. Après avoir envoyé des messagers
auprès du roi de Bretagne afin de discuter des termes d’une nouvelle alliance,
il réunit ses frères d’armes et ses conseillers, leur demandant leur avis sur
la meilleure façon de subjuguer complètement celui qui était devenu son gendre.
Tous furent d’accord pour que l’on renouvelât les serments d’amitié et de paix,
mais également pour isoler complètement Vortigern des siens et se débarrasser
de ceux qui pouvaient le pousser à résister aux exigences des Saxons. Et
Hengist lança une invitation à Vortigern et aux principaux chefs bretons pour
qu’ils vinssent participer à un grand festin dans la plaine de Salisbury. Aussi
bien les Saxons que les Bretons devaient y venir sans armes, en signe de
confiance et d’amitié, pour se jurer mutuellement une paix éternelle entre
leurs deux nations.
Mais c’était évidemment un piège savamment étudié par Hengist.
Il réunit les siens et leur ordonna de garder chacun son couteau entre la
plante du pied et la semelle de sa sandale : « Quand je vous dirai nimed our saxes (« tirez vos couteaux »),
précipitez-vous sur eux, et à l’aide de vos couteaux, égorgez-les tous, sauf le
roi. Car, d’une part, c’est l’époux de ma fille et, d’autre part, s’il est fait
prisonnier, il pourra donc racheter sa vie et sa liberté, ce qui sera de grand
profit pour nous. » Ils promirent d’agir comme l’avait ordonné Hengist. Les
Bretons vinrent donc sans armes à cette entrevue et les Saxons leur parlèrent
courtoisement, faisant à leurs hôtes mille amabilités. Ils s’assirent de façon
à ce que chaque Saxon eût à côté de lui un Breton, et, alors que la
conversation allait bon train, Hengist vociféra la phrase dont il était convenu
avec ses hommes. Ceux-ci dégagèrent leurs couteaux et se jetèrent sur leurs
voisins. Trois cents chefs du roi Vortigern furent ainsi égorgés, moins un seul
nommé Eidol, comte de Gloucester, qui, ayant saisi un pieu, se vengea
cruellement en massacrant soixante-dix Saxons avant de s’enfuir et de
disparaître. Mais Vortigern fut réduit à l’impuissance et chargé de chaînes.
Pour recouvrer sa liberté, il dut en passer par les volontés de son beau-père
et livrer aux Saxons de nombreuses régions de son royaume [47] . Et l’on appela cette triste
entrevue le Complot des Longs Couteaux.
Vortigern régnait toujours sur l’île de Bretagne, mais il avait
de moins en moins de pouvoir, car non seulement les Saxons se méfiaient de lui,
mais les Bretons eux-mêmes commençaient à prendre conscience de sa duplicité et
de son ignominie. Il mit le comble à cette ignominie en épousant même la fille
qu’il avait eue de Ronwen, ce qui arrangeait fort bien Hengist, mais qui
détourna définitivement de lui la plupart de ses sujets [48] . Il en fut réduit à errer à
travers tout le pays, accompagné seulement d’une troupe de fidèles qu’il payait
à prix d’or, car il avait accumulé de nombreuses richesses en pillant les
villes et les villages et en écrasant le peuple de taxes en tous genres. Mais
chaque forteresse où il résidait lui semblait peu sûre, car il redoutait une
révolte générale. De plus, il savait qu’un jour ou l’autre les deux frères de
Constant reviendraient dans l’île de Bretagne et le poursuivraient avec
acharnement. Il envoya donc des messagers un peu partout pour trouver
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