La naissance du roi Arthur
matière
d’astrologie et de magie, mais plus ils réfléchissaient et discutaient, moins
ils trouvaient de solutions. Ou plutôt, ils n’en trouvaient qu’une seule,
unique, et cette solution était connue de tous, mais aucun d’eux n’osait
l’exprimer parce qu’elle les remplissait de terreur. Finalement, l’un d’entre
eux prit la parole et dit : « Voici ce que nous allons faire. Nous
irons l’un après l’autre, sans témoins, nous entretenir avec le roi, et chacun
dira en secret ce qu’il a découvert, en précisant que ce qu’il révèle lui est
particulier. » L’idée parut excellente à tous et elle fut adoptée. Ils
allèrent donc trouver Vortigern, un par un, et lui donnèrent leur avis. Or
chacun avait dit la même chose, et dans le plus grand secret : ils ne
savaient pas la cause de l’effondrement de la tour, mais ils voyaient en
revanche quelque chose de tout à fait extraordinaire, un enfant de sept ans,
conçu par une femme, mais qui n’avait pas de père de la race des hommes.
Quand il eut entendu les sept clercs, le roi fut bien
étonné. Il les congédia en leur demandant de préciser leur pensée. Lorsqu’ils
furent de nouveau seuls, à l’écart de tous, l’aîné des sept clercs s’adressa
ainsi aux autres : « Vous avez tous dit la même chose, mais tous,
vous avez caché l’essentiel de ce que vous vouliez dire. » L’un des sept
lui dit : « Répète donc ce que nous avons dit au roi, et révèle-nous
ce que nous avons caché. » Il répondit : « C’est facile. Vous
avez tous dit que vous ne saviez pas la cause de l’effondrement de cette tour
pendant la nuit, mais que vous aviez vu un enfant de sept ans conçu par une
femme, mais qui n’a pas de père de la race des hommes. Vous n’avez rien ajouté
de plus ; mais moi, je vous affirme que vous avez tous compris que vous
deviez mourir à cause de cet enfant. Moi aussi, j’ai vu tout cela. Il nous faut
donc prendre une décision et donner au roi le moyen de faire tenir cette
tour. » Les autres lui dirent : « Par le Dieu tout-puissant,
nous te prions de bien vouloir nous conseiller. »
« Voici ce que nous allons faire », dit le plus
âgé des sept. « Nous nous accorderons pour dire tous la même chose, que la
tour ne peut tenir et ne tiendra jamais si l’on ne mélange pas au mortier des
fondations le sang de cet enfant né sans père [49] . Si nous parvenons à avoir ce
sang et à le mélanger au mortier, la tour tiendra et demeurera intacte quoi
qu’il arrive. Que chacun dise la même chose au roi sans qu’il puisse
s’apercevoir que nous nous sommes concertés. Ainsi pourrons-nous échapper à la
mort et nous garder de cet enfant qui, nous l’avons vu très clairement, doit
causer notre perte. Mais surtout, il faut absolument empêcher le roi de voir
cet enfant. Il est nécessaire que ceux qui iront le chercher le tuent
immédiatement et ne rapportent que son sang au roi. »
S’étant ainsi accordés entre eux, les sept sages se
rendirent auprès de Vortigern et demandèrent à être reçus l’un après l’autre.
Ils firent donc tous semblant d’ignorer ce que disaient les autres. À la fin,
le roi les réunit et leur dit : « Seigneurs, vous m’avez tous révélé
les mêmes choses. Je vais envoyer des messagers dans toutes mes terres pour
découvrir un enfant qui n’a pas de père de la race des hommes. » Le plus
âgé des sages crut bon d’intervenir alors : « Bien volontiers,
seigneur roi, mais souviens-toi que dès que tes messagers découvriront
l’enfant, ils devront immédiatement le tuer, recueillir son sang et te l’apporter
en toute hâte. C’est à cette seule condition que la tour pourra tenir. »
Vortigern leur promit de faire selon ce qu’ils avaient dit.
Mais, par mesure de précaution, il fit mettre en prison tous les clercs dans
une maison fortifiée, leur faisant d’ailleurs remettre tout ce dont ils avaient
besoin. Puis il choisit douze messagers qu’il envoya à travers tout le royaume,
avec mission de découvrir l’enfant. Mais il leur fit jurer sur les Évangiles
que celui qui trouverait l’enfant le tuerait immédiatement, recueillerait son
sang dans un vase qu’il fermerait très soigneusement et qu’il le lui
rapporterait sans faute, dans les plus brefs délais.
Ainsi partirent les messagers du roi Vortigern, à la
recherche d’un enfant qui avait été conçu par une femme, mais dont le père
n’était pas de la race des
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