La naissance du roi Arthur
mère. Elle n’est pas coupable,
et si vous ne me croyez pas, demandez son avis au prêtre auquel elle vient de
se confesser. »
Quand il fut interrogé, le prêtre répéta mot pour mot tout
ce que la mère de Merlin lui avait dit. Les juges lui demandèrent alors s’il
croyait vraiment que tout s’était passé comme elle le prétendait. Blaise
l’affirma haut et fort, puis il ajouta : « Je lui ai assuré que
justice lui serait rendue et qu’elle ne devait pas perdre confiance. Elle vous
a expliqué elle-même comment elle fut séduite pendant son sommeil, dans sa
chambre dont la porte était fermée de l’intérieur. Certes, c’est un véritable
prodige que la naissance de cet enfant. Mais si cette femme ne peut s’en
expliquer, c’est probablement parce qu’il n’y a rien à comprendre. » Alors
Merlin prit la parole : « De plus, seigneur prêtre, tu as
soigneusement noté la nuit et l’heure où j’ai été engendré, et il est facile de
savoir l’heure et le jour où je suis né. On peut donc vérifier ce que dit ma
mère. » Le prêtre répondit : « Assurément, mais je me demande
d’où te vient une telle science, car tu parais en savoir beaucoup plus que nous
tous. »
On fit venir les femmes qui avaient vécu dans la tour avec
la mère de Merlin. Devant les juges, elles firent le compte exact de la durée
de la grossesse de la mère, de la conception de l’enfant à l’accouchement. On
compara ce qu’elles disaient avec ce qu’avait noté Blaise : on en arrivait
au même résultat. On put voir que les assistants étaient fort impressionnés.
Mais l’un des juges n’en voulait rien savoir : « Cette femme n’en est
pas quitte pour autant. Il faut qu’elle nous dise qui t’a engendré, qui est ton
père ! » L’enfant se mit en colère et, d’une voix très grave pour son
âge, il s’écria : « Je connais mieux mon père que toi le tien, et ta
mère sait mieux qui t’a engendré que ne le sait la mienne à mon
propos ! » Le juge fut stupéfait de cette intervention :
« Si tu as une accusation à formuler contre ma mère, dit le juge, je
l’examinerai. »
Merlin lui dit gravement : « Je peux au moins te
dire que, si tu la condamnais à mort, elle mériterait mieux que ma mère ce
châtiment. Je veux que tu acquittes ma mère, car elle n’est pas coupable de ce
dont on l’accuse, et elle a dit toute la vérité lorsqu’elle a raconté comment
j’avais été engendré. Si tu ne l’acquittes pas, j’obligerai bien ta mère à
avouer toute la vérité en ce qui te concerne. » Le juge était de plus en
plus irrité par les paroles impertinentes de l’enfant, et qui étaient en fait
une véritable accusation portée contre sa mère. Il dit : « Merlin,
s’il en est comme tu le prétends, ta mère échappera au bûcher, mais attention,
si tu ne peux apporter la moindre preuve contre ma mère, si donc la tienne
n’est pas acquittée, tu seras brûlé avec elle. » Merlin lui répondit qu’il
acceptait l’épreuve. Et l’on fixa un délai de quinze jours pendant lesquels le
juge fit soigneusement garder Merlin et sa mère tandis qu’il envoyait des
messagers dans son pays pour faire venir sa propre mère.
Au jour dit, la mère du juge arriva et on fit sortir Merlin
et sa mère pour les faire comparaître devant tout le peuple assemblé. Le juge
prit la parole : « Merlin, voici ma mère contre laquelle tu dois
formuler ton accusation et apporter les preuves de ce que tu avances. Tu peux
lui dire tout ce que tu veux. » Merlin se mit à rire, puis il s’adressa au
juge, à voix basse : « Tu n’es pas aussi sage que tu le penses. Es-tu
devenu fou pour faire débattre de tout cela devant la foule ? Emmène donc
ta mère dans cette maison à l’écart, et prends avec toi deux hommes en qui tu
as confiance et qui serviront de témoins. Pour ma part, je désire que vienne
avec moi le confesseur de ma mère. » Le juge, frappé par la sagesse de
l’enfant, dit qu’il acceptait. Merlin et le juge se retirèrent dans la maison.
Le juge avait demandé à deux de ses amis, parmi les plus honorables, de venir
l’assister. Et le prêtre Blaise accompagna l’enfant Merlin. « À présent,
dit le juge, tu dois aller jusqu’au bout : dis ce que tu veux à ma mère
afin de disculper la tienne ». Merlin lui répondit : « Je ne
veux pas défendre injustement ma mère au détriment de quelqu’un d’autre, mais
seulement faire
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