La naissance du roi Arthur
dis la vérité à ce sujet.
Hélas ! il me faudra donc mourir dans le feu… » Alors l’enfant
regarda sa mère, ouvrit la bouche et dit très distinctement : « Chère
mère, je t’en prie, ne crains rien. Je ne serai en aucun cas responsable de ta
mort. »
Quand elle entendit son fils parler ainsi, la mère fut très
effrayée. Elle appela les femmes et leur raconta ce qui venait d’arriver. Mais
elles ne la crurent pas. Alors la mère prit l’enfant dans ses bras et demanda
aux femmes de la menacer pour voir la réaction qu’aurait l’enfant en les
entendant ainsi parler. Elles dirent : « Quel malheur qu’une si belle
femme que toi soit brûlée à cause de cette créature ! Il aurait mieux valu
qu’il ne naisse pas ! » L’enfant dit alors : « Vous mentez.
C’est ma mère qui vous a demandé de prononcer ces paroles. » Les femmes
étaient abasourdies. « Ce n’est pas un enfant, se disaient-elles, c’est
sûrement un démon ! » Et elles se mirent à lui poser quantité de
questions. « Taisez-vous et laissez-moi tranquille, s’écria Merlin, vous
voyez bien que vous m’ennuyez. Vous êtes plus insensées et chargées de péchés
que ma mère ! » Évidemment, les femmes étaient furieuses de se voir
traitées ainsi, et elles étaient de plus en plus persuadées que l’enfant était
un diable. Elles se répandirent partout en racontant ce qu’elles avaient vu et
entendu. Les juges décidèrent qu’il était grand temps de supplicier la mère. Le
jour fut donc fixé, et il ne restait plus que quelques jours avant le délai
fatal. La mère y songeait sans cesse et ne savait comment échapper à son
destin. À la fin, elle ne put plus retenir ses larmes. Alors, les gens qui la
gardaient aperçurent le jeune Merlin qui déambulait dans la tour éclater d’un
grand rire qui leur donna le frisson. « Comment ? dirent-ils à
Merlin, tu ris méchamment parce que ta mère sera bientôt brûlée à cause de toi.
Maudit sois-tu et maudite soit l’heure de ta naissance ! Il faut que tu sois
vraiment un démon pour te réjouir du sort de cette malheureuse ! »
Mais au lieu de leur répondre, l’enfant Merlin se mit à rire de plus belle.
Au jour fixé, la jeune mère fut extraite de la tour et
conduite devant les juges. Elle était venue avec son enfant sur les bras. Les
juges demandèrent aux femmes qui avaient gardé la mère de Merlin dans la tour
s’il était vrai que l’enfant parlait. Elles racontèrent aux juges exactement ce
qui s’était passé, mais les juges, tout surpris, déclarèrent qu’il lui en
faudrait savoir beaucoup plus s’il voulait sauver sa mère. Puis ils demandèrent
à celle-ci de se préparer au supplice. « Seigneur, dit-elle, j’aimerais
auparavant m’entretenir avec mon confesseur. » On le lui accorda
volontiers. Le prêtre Blaise se trouvait là, en effet, car il avait été
prévenu. La jeune femme s’en alla dans une pièce retirée en compagnie de
Blaise, laissant Merlin parmi la foule assemblée. Chacun essayait de faire
parler l’enfant, mais il se contentait de regarder tout le monde avec indifférence.
Quand sa mère revint, Merlin retourna dans ses bras. Alors
les juges firent une dernière tentative : « Femme, dis-nous quel est
le père de cet enfant. Prends bien garde de ne nous rien cacher. » La
jeune femme répondit : « Sur mon salut, je jure que je n’ai jamais vu
ou connu le père de cet enfant, et que je n’ai jamais été dans une telle
intimité avec un homme pour en devenir enceinte. » Les juges délibérèrent,
puis ils interrogèrent les femmes qui avaient été dans la tour, leur demandant si
elles croyaient qu’une telle chose fût possible. Elles ne purent que confirmer
qu’une telle chose était impossible. Les juges revinrent alors devant Merlin et
sa mère. « Rien ne s’oppose plus à ce que justice soit faite. »
À ce moment, Merlin sauta des bras de sa mère et bondit
devant les juges. Il s’écria avec véhémence : « Ce n’est pas de sitôt
que ma mère sera mise à mort ! Si l’on mettait à mort tous ceux et toutes
celles qui ont eu des relations charnelles avec d’autres personnes que leur épouse
ou leur mari, il faudrait brûler au moins les deux tiers de ceux qui sont
présents. Je connais bien leurs secrets et, si je le voulais, je pourrais les
leur faire avouer, quand bien même ce serait déplaisant à entendre pour
certains. Il y en a ici qui ont fait pis que ma
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