La naissance du roi Arthur
venus près du roi. Les ouvriers dégagèrent les pierres et
les retirèrent. Alors apparurent les deux dragons, si grands, si monstrueux et
si hideux que tous en reculèrent d’horreur. Le dragon rouge paraissait encore
plus hideux et plus puissant que le blanc, et Vortigern eut l’impression que ce
serait lui le vainqueur. « Tu peux constater que j’ai dit la vérité, dit
Merlin au roi. Maintenant, tu dois libérer les messagers qui sont mes
garants. » Vortigern ordonna donc que les messagers fussent libérés.
Cependant, les deux dragons s’étaient réveillés. Ils se
virent si près l’un de l’autre qu’ils se mirent immédiatement en fureur. Ils se
ruèrent l’un sur l’autre, et jamais, de mémoire d’homme, on ne vit plus
extraordinaire et plus terrifiante bataille entre deux bêtes : elles se
battirent avec violence et férocité pendant une journée et une nuit, et, le
lendemain, vers l’heure du midi, le combat atteignit son paroxysme. La plupart
des spectateurs étaient persuadés que le dragon rouge allait tuer le blanc,
mais tout à coup du feu jaillit des narines et de la gueule du blanc, et ce feu
vint brûler le dragon rouge. Et quand le dragon rouge fut mort, le blanc se
retira à l’écart et se coucha pour mourir à son tour. « Voilà qui est
fait, déclara Merlin à Vortigern, et tu peux maintenant construire ici une tour
aussi haute et puissante que tu voudras, elle ne s’écroulera jamais
plus. »
Vortigern convoqua alors les charpentiers et les maçons et
leur commanda de reprendre les travaux afin de construire la tour la plus
grande et la plus solide possible. Puis il prit Merlin à part et lui demanda ce
que signifiaient les deux dragons et comment le blanc, qui paraissait le plus
faible, avait pu tuer le rouge qui avait pourtant eu si longtemps l’avantage.
Merlin lui répondit : « Ce qui est ici signifié concerne aussi bien
le passé que l’avenir. Si tu me donnais ta parole de ne me faire aucun mal, je
consentirais à t’expliquer tout ce que cela signifie, et cela devant les
membres les plus respectables de ton conseil. » Vortigern donna sa parole
qu’il ne ferait aucun mal à Merlin et qu’il ne permettrait pas que quiconque
lui en fit. Il convoqua ses conseillers, parmi lesquels se trouvaient les
clercs qui avaient voulu faire mourir l’enfant sans père. Et c’est à eux que
s’adressa Merlin : « Seigneurs, vous êtes bien fous de vouloir vous
mêler d’astrologie alors que vous n’êtes ni assez vertueux ni assez justes pour
avoir accès à cette science. C’est parce que vous êtes remplis de vices et de
turpitudes que vous avez échoué dans vos entreprises. Votre science imparfaite
ne vous a pas permis de lire dans les astres ce que Vortigern vous demandait,
car vous n’en étiez pas dignes. Mais, par contre, il vous a été plus facile de
voir que j’étais né. Mais je sais qui vous a révélé cela : c’est l’Ennemi,
dans sa fureur de m’avoir perdu et qui espérait bien qu’ainsi je disparaîtrais.
Il aurait bien aimé que je fusse tué. Mais j’ai un maître qui sait me préserver
de toutes les ruses du diable, du diable dont je ferai éclater l’imposture. Et
je ne chercherai en aucune manière à vous faire mourir, vous qui êtes pourtant
indignes, si vous me promettez de faire ce que je vous demanderai. »
En entendant ces paroles, les clercs furent bien soulagés.
Ils avaient maintenant l’espoir d’échapper à la mort. Ils répondirent :
« Merlin, nous ferons tout ce que tu nous demanderas, si c’est en notre
pouvoir, car nous comprenons bien maintenant que tu es l’être le plus sage que
nous ayons connu. » Et Merlin dit : « Alors, renoncez à
pratiquer votre art, allez confesser que vous vous y êtes adonnés, et
soumettez-vous à une pénitence telle que vos âmes ne puissent être damnées. Si
vous vous engagez à cela, je vous laisserai partir. » Les clercs le
remercièrent et lui promirent de faire tout ce qu’il avait demandé. Cependant,
Vortigern et ses conseillers pressèrent Merlin de révéler ce que signifiaient
les dragons et leur étrange combat. « Vortigern, dit brusquement Merlin,
le dragon rouge, c’est toi, et le dragon blanc, ce sont les fils de Constantin. »
Cette réponse plongea Vortigern dans la honte et la terreur.
Merlin, qui s’était aperçu de son trouble, lui dit encore :
« Vortigern, si tu le souhaites, je m’arrête ici, mais je te prie de ne
pas m’en
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