La naissance du roi Arthur
fut tout joyeux et fit préparer tout ce qui
était nécessaire au voyage, n’oubliant pas les riches pavillons, ni la
vaisselle d’or, ni les plus beaux étendards, autant pour faire honneur à Uryen
que pour mieux l’impressionner par sa propre richesse.
L’entrevue se déroula au jour dit sur les bords de la
Severn. Le roi Uryen y vint avec une belle escorte de guerriers parmi lesquels
se trouvait Taliesin. Et Taliesin chantait un chant à la gloire d’Uryen :
« Uryen de la Plaine Cultivée, le plus généreux des hommes du baptême, tu
as donné abondance aux hommes de ce monde. Tu as amassé des richesses, mais tu les
as distribuées… Depuis qu’il est le chef, le maître souverain, c’est une
forteresse contre l’étranger, un combattant intrépide. Mon cœur est avec toi
parmi tous les hommes glorieux. Intense est ton coup d’épée quand on entend le
bruit du combat. À la bataille, quand tu y es, tu répands la vengeance, et les
maisons sont en flammes avant l’aube, ô seigneur de la Plaine Cultivée !
De la meilleure lignée, des magnanimes fils de Kynvarch, tu es le meilleur qui
soit, tu n’as jamais eu, tu n’auras jamais, tu n’as pas d’égal en vaillance et
en prouesses ! Ah ! jusqu’à ce que je défaille de vieillesse, jusqu’à
la rude angoisse du trépas, jamais je n’aurais de joie si je ne célébrais
Uryen ! »
Et pendant que chantait Taliesin, Uryen prit place auprès
d’Uther Pendragon, et ils commencèrent à parler. On apporta des mets et des
boissons, et les deux rois prolongèrent leur conversation très tard dans la
nuit. Ils allèrent se coucher sous des tentes confortables, et le lendemain
matin ils se retrouvèrent pour reprendre leur entretien. Et quand ils se furent
mis d’accord en vue d’une alliance contre tous les ennemis du royaume, Uther
proposa à Uryen de faire une partie d’échecs. Uryen accepta bien volontiers.
Alors, on étendit sur le sol une grande pièce d’étoffe de lin brodé d’or fin et
on y installa le magnifique échiquier qu’Uther avait amené avec lui. Les deux
hommes s’assirent sur le manteau, dans une attitude de délassement, et quand un
valet vêtu de rouge eut apporté les pièces, toutes en or, ils commencèrent à
jouer.
Au moment où ils s’intéressaient le plus à la partie,
penchés sur l’échiquier, on vit sortir d’un pavillon blanc, au sommet rouge,
surmonté d’une image de serpent tout noir, aux yeux rouges, à la langue rouge
flamme, un jeune écuyer aux cheveux blonds frisés, aux yeux bleus, à la barbe
naissante, vêtu d’une tunique de couleur jaune, chaussé de brodequins de cuir
bien travaillé, et qui portait une épée à poignée d’or. Il se rendit à
l’endroit où se trouvaient Uther et Uryen, et salua celui-ci. Uryen s’étonna
que l’écuyer n’eût point salué Uther, mais celui-ci, devinant sa pensée, lui
dit : « Ce jeune homme ne m’a pas salué parce qu’il m’avait déjà vu
aujourd’hui. D’ailleurs, c’est à toi qu’il a affaire. » Effectivement,
l’écuyer dit à Uryen : « Seigneur, est-ce avec ta permission que les
petits serviteurs du roi Uther s’amusent à agacer, harceler et harasser tes
corbeaux ? » Car le roi Uryen ne se déplaçait jamais sans une troupe
de corbeaux dont il prenait grand soin.
« As-tu entendu ce que disait cet écuyer ? dit Uryen
à Uther. S’il te plaît, empêche tes serviteurs de toucher à mes
corbeaux. » – « Joue ton jeu ! » répondit simplement Uther.
Ils en étaient à peu près à la moitié de la partie quand un jeune homme rouge
aux cheveux bruns frisant légèrement, aux grands yeux, à la taille élancée, à
la barbe rasée, sortit d’une tente de couleur jaune surmontée d’une image de
lion tout rouge. Il tenait à la main une grande et lourde épée à la lame
triangulaire dont la gaine était de peau de daim rouge. Il se rendit à l’endroit
où Uther et Uryen étaient en train de jouer aux échecs, et il salua Uryen.
Uryen fut fâché que le salut ne s’adressât qu’à lui seul. Mais Uther ne s’en
montra pas plus contrarié que la première fois. Le jeune homme dit à
Uryen : « Seigneur, est-ce malgré toi que les serviteurs du roi Uther
sont en train de piquer tes corbeaux et même d’en tuer ? Si c’est malgré
toi, prie le roi de les arrêter. » Uryen dit à Uther :
« Seigneur, as-tu entendu ce que vient de dire cet écuyer ? Je t’en
prie, arrête tes gens ! » –
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