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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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frayer un passage dans la foule et rejoindre Julius Schaub, afin de
remplir son rôle de garde du corps : quant à Rosenberg et Hess, ils se
tenaient aux côtés d’Hitler et d’autres responsables du parti près de la
tribune. Hitler était le seul à ne pas parler, ce qui semblait l’irriter. Elle
trouva fascinant que tant de personnes se pressent pour venir l’écouter, car à
cette distance, il semblait circonspect, empressé, et ordinaire, comme le
concierge d’un hôtel qui aurait connu des jours meilleurs.
    Elle entendit une voix d’homme lui dire :
    — Vous devez être quelqu’un d’important.
    Elle se retourna et vit le prêtre, appuyé sur
une canne de la main gauche, et tenant un chapeau noir dans la droite. C’était
un homme d’une cinquante d’années, vigoureux, aux larges épaules, mesurant un
peu plus d’un mètre quatre-vingts, aux yeux bleu acier, à la tignasse brune qui
commençait à grisonner, et au visage dur et buriné du fantassin de première ligne.
    — N’était-ce pas un ami d’Hitler ? poursuivit-il
pour expliciter sa remarque.
    — Son chauffeur, lui dit-elle. Herr
Hitler est mon oncle.
    Elle vit le prêtre tressaillir légèrement
avant de se forcer à un large sourire et de chercher une carte de visite dans
la poche de son veston.
    — Serait-il impertinent de me présenter ?
    — Père Rupert Mayer, Société de Jésus, 1,
Maxburgstraße, Munich, lut-elle. Vous êtes jésuite, mon père ?
    — Et vous, vous devez être catholique.
    — Angelika Raubal, dit-elle en lui tendant
la main, qu’il serra.
    Il fit passer sa canne dans la main droite, et
celle-ci heurta son genou. Il dut remarquer son étonnement au son du bois
contre le bois, car il lui expliqua :
    — Pendant la Grande Guerre, j’étais l’aumônier
militaire de la 8 e division. Une grenade a contraint les chirurgiens
à amputer ma jambe.
    — Je suis désolée, vraiment. Voulez-vous
vous asseoir, père Mayer ? demanda-t-elle en lui présentant la chaise à
côté d’elle.
    — Votre oncle trouverait cela nettement
inapproprié, Fräulein Raubal.
    Plissant les yeux, il sourit dans un accès de
gaieté solitaire, bien que sa bouche ne fût guère plus qu’une longue ligne
plate. Il lui dit qu’Hitler et lui se connaissaient depuis longtemps : en
1919, ils avaient participé tous deux à un débat public à Munich sur les faux
enseignements du communisme. Le caporal Hitler, qui était à l’époque « instructeur
politique », avait suivi Mayer sur l’estrade en disant : « Nous
venons d’entendre un prêtre attaquer le communisme d’un point de vue religieux ;
je vais maintenant le faire d’un point de vue politique. » Et il avait électrisé
la foule. Mayer lui-même avait été transporté. Mais sous ses dons oratoires, le
jésuite avait trouvé des idées si dérangeantes qu’il avait entrepris, chaque
fois qu’il en avait la possibilité, d’assister à tous les meetings de Herr
Hitler.
    — Aujourd’hui, j’ai entendu cent fois ce
qu’Hitler a à dire, conclut-il, et je suis navré de vous offenser, vous sa
nièce, mais votre oncle est un homme dangereux.
    Geli rougit dans une attitude de défense, mais
le prêtre se contenta de lui souhaiter le bonsoir et se retira en boitant vers
le coin reculé où était son siège.
    Puis les lumières s’éteignirent et Rudolf Hess
marcha d’un pas raide vers l’estrade éclairée, ses yeux enfoncés zigzaguant
sous ses formidables sourcils, et, de sa voix aiguë et apeurée, il se lança
dans une présentation interminable et servile, flattant Hitler de façon si
fastidieuse que les gens se mirent à montrer leur impatience en tapant du pied
en cadence. Hess se tourna enfin vers son Führer, fit le salut fasciste et
hurla « Heil Hitler ! ». Alors, sous les acclamations de ses
partisans et les cris de « Sieg, Heil ! » répétés à l’infini par
cinq cents SA enflammés qui s’étaient levés comme un seul homme, son oncle s’avança
vers la tribune.
    Sans un regard pour l’assistance, Hitler
déposa ses notes à plat sur une table, les arrangea et égalisa la pile d’un air
mal assuré, puis toussa dans le bout de ses doigts d’un geste que Geli trouva
affecté et efféminé. Il semblait à première vue aussi peu enclin à prendre la
parole que Hess. Il gardait les yeux baissés et restait derrière la table, comme
s’il allait vaciller sans son appui. Le silence se fit dans l’assemblée et

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