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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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honteuses, car la haine, le fanatisme
et la cruauté étaient non seulement bénéfiques, mais nécessaires si la nation
aryenne devait trouver la place qui lui revenait dans le monde. Exaltant le
combat guerrier comme « le père de toutes choses », affirmant que
mourir sur le champ de bataille était le premier devoir d’un soldat, insistant
sur sa propre implacabilité et sa brutalité, admettant franchement l’intolérance
de son idéologie, Hitler était moins un politicien qu’un impitoyable prophète
de la colère.
    Par la suite, Geli apprit que les dix ou douze
pages de notes sur papier ministre ne contenaient pas plus d’une vingtaine de
mots clés qui lui servaient pour dix ou quinze minutes de déclamation. La durée
de ses discours n’était jamais inférieure à deux heures, souvent plus proche de
trois, et obéissait dans sa construction aux règles d’une fougueuse symphonie wagnérienne.
Observant son oncle de loin, elle vit qu’il procédait avec la foule comme avec
ses amis, et la déstabilisait en attaquant d’abord la droite sur son système
économique féodal, sa mesquinerie et ses préjugés de classe, ses peurs devant l’adversité,
puis en vilipendant la gauche pour sa réflexion superficielle, ses valeurs
morales relâchées, son abandon des grandes traditions germaniques. Sans le dire,
il donnait à ses auditeurs le choix de se ranger à ses idées ou d’être
annihilés par son mépris, et ils se retrouvaient sous son emprise.
    Elle vit que son oncle était capable de
quelque chose qu’on ne peut feindre : il ressentait sincèrement, profondément,
solennellement la douleur, la honte et l’indignation de vivre en Allemagne dans
le premier quart du XX e siècle. Hitler avait le don de faire
sentir à ses auditeurs qu’il s’adressait à chacun d’eux personnellement, de
cœur à cœur, et qu’il était fier d’être un des leurs, un Völkischer – sans
éducation, défavorisé, venant d’un milieu humble, un zéro, un soldat blessé et
inconnu de plus, et qui avait enduré exactement les mêmes souffrances qu’eux. Et
pourtant, il leur prédisait un avenir glorieux s’ils se remettaient
complètement à lui comme leur Führer. « On est soit le marteau, soit l’enclume,
criait-il. On ne peut choisir qu’entre Hitler et la mort, la victoire ou la
destruction, la gloire ou l’ignominie. Nous serons riches ou nous serons
pauvres. Nous serons des héros conquérants ou des agneaux qu’on sacrifie. Nous
serons chauds ou froids, mais les tièdes seront damnés. »
    Au-delà des paroles enflammées, Geli vit qu’Hitler
captivait son public avec un talent pour le cabotinage digne d’un acteur
chevronné : les poings sur le cœur quand il invoquait le patriotisme, le
visage ravagé, les épaules courbées sous leur lourd fardeau lorsqu’il décrivait
les malheurs de l’Allemagne, la main levée vers le ciel, le visage transfiguré
quand il parlait de saisir l’avenir. Souvent, cependant, il se tenait comme un
soldat au repos, les mains protégeant son entrejambe, la tête haute, le visage rougi,
la voix comme un orchestre d’émotions primales lorsqu’il éructait sa haine des
parlementaires de Weimar, des communistes, des industriels profiteurs de guerre,
des intellectuels et des Juifs, promettant qu’un jour tous les ennemis du
peuple seraient beseitigt, éliminés. Et au cas où l’on ignorait qui
était le pire ennemi, Hitler terminait la deuxième heure de son discours par
une longue harangue contre ceux qu’il appelait « les Hébreux corrupteurs
du peuple » et « le ferment de la décomposition ».
    Tout ce qui n’allait pas en Allemagne, disait-il,
était dû à la conspiration sioniste pour la conquête du monde. Les Juifs
étaient des parasites, de la vermine. Ils avaient regardé sans réagir les bons
soldats aryens se faire tuer au front, ils avaient provoqué l’armistice, nourri
le communisme, signé « le traité de la honte », et profité de la
misère de l’Allemagne avec leur marché noir. Et à présent ils manipulaient la
finance, corrompaient la jeunesse, changeaient radicalement les sciences, inondaient
les humanités et les arts de leur laideur et de leur dégénérescence, polluaient
le sang aryen avec les mariages mixtes. Dans un accès de fureur frôlant l’hystérie,
le visage dégoulinant de sueur, la chemise trempée, la voix de plus en plus
enrouée, Hitler braillait de toute la force de ses poumons :

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