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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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reçu comme un libérateur. Les Bourbons ont perdu leur trône par leurs propres fautes. Ce serait une mesure monstrueuse de faire la guerre à une nation pour lui imposer un gouvernement dont elle ne veut pas. »
    « Cet article a été cité à la Chambre des Lords où un orateur a déclaré qu’il s’élevait d’avance contre une guerre entreprise pour proscrire l’homme que le peuple de France autant que l’armée a choisi comme maître de ses destinées   ».
    —  Je connais le refrain, dit l’Empereur. À Porto Ferrajo, Lord Castlereagh {88} insistait déjà pour que je change d’île. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps.
    —  Sire, dit sèchement Gourgaud, il ne s’agit pas d’un vol d’hirondelles, mais d’une levée de boucliers... Je souhaite continuer ma lecture. Ce sont des informations que j’ai recopiées à votre intention. Sir Francis Burdett a déclaré sacrilège l’œuvre du Congrès. Et Withbread a dit   : « C’est une véritable provocation à l’assassinat de Napoléon. » Lord Wellesley, le propre frère de Wellington, vient de déclarer   : « La France a le droit d’être traitée en peuple libre et maître de choisir la forme de son gouvernement. » Et Lord Grey   : « On veut représenter Bonaparte ramené le 20 mars par l’armée. Mais en France, l’armée ne représente pas une classe à part. Elle représente les sentiments du peuple. » Et Erskine, qui était Lord Chancelier du cabinet Fox a dit   : « Au nom de quoi avons-nous la prétention d’imposer à la France un gouvernement rejeté par elle ?   »
    —  Bien sûr, dit Napoléon, bien sûr, tout cela est vrai, mais Flahaut m’a remis un exemplaire du Morning Post qui me déclare le plus infâme des criminels et demande que je sois pendu. Je cite de mémoire   : « Qu’on le livre à Louis XVIII, qu’on l’enferme à la tour de Londres et que dès sa capture il soit livré au tribunal européen et condamné à mort. »
    Comme ils se taisaient, abasourdis, l’Empereur conclu d’une voix mélancolique   :
    —  La vérité c’est que les libéraux anglais, au nom de leurs principes, réclament le droit à la France de choisir Napoléon Bonaparte parce qu’aujourd’hui ils sont dans l’opposition. Mais qu’ils accèdent au gouvernement et vous les verrez troquer comme tant d’autres leurs principes contre l’opportunité ou les nécessités du pouvoir... Vous voulez parler, Lallemand ?
    —  Oui, sire.
    —  Vous avez la parole.
    Lallemand avait choisi une diction de tribun. Il articulait d’une voix lente et martelée   :
    —  Vous ne pouvez décemment pas prendre le parti de vous réfugier à Londres.
    —  Quel inconvénient trouvez-vous à ce parti   ?
    —  L’inconvénient de vous déshonorer. Vous ne devez pas même tomber mort entre les mains des Anglais. Ils vous feront empailler pour vous montrer à un shilling par tête.
    Un silence glacé accueillit cette évocation. Napoléon sourit   :
    —  Vous auriez pu dire « embaumer   ». Et une livre par tête pour montrer la mienne, ce serait plus décent comme vous dites, non   ? Poursuivez.
    —  Sire, nous avons laissé passer — je ne parle pas du vaisseau du Havre qui vous attendait — quatre occasions de rejoindre l’Amérique depuis que nous sommes ici. La première avec Baudin, la seconde avec les corsaires américains, la troisième avec Besson. La quatrième avec les chasse-marée. Et il n’est toujours pas trop tard pour Baudin.
    —  Comment l’entendez-vous   ?
    Lallemand sortait fébrilement de sa poche un papier chiffonné.
    —  Voilà la lettre qu’il m’a fait porter et qui répondait à ma question   : « Voulez-vous encore assurer le passage de Sa Majesté en Amérique   ? » Baudin me dit   :
    « Je le veux encore, mais je le peux moins facilement qu’hier. Tandis que je courais avec vous à Bordeaux, deux frégates anglaises, le Pactolus et l’Hebrus, avec la complicité du commandant des forts de Saintonge, étaient entrées dans la rivière sans qu’on leur tirât un coup de canon. Elles ont occupé le mouillage du Verdon le même soir. Sur l’invitation de l’Empereur, je me suis démuni des moyens sur lesquels je comptais ; mais je vais aller à Bordeaux m’en créer d’autres. Que l’Empereur vienne avec une malle, un valet de chambre, un ou deux amis, gens de tête et de cœur   : qu’il arrive en petite chaise de poste, demain matin, sans

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