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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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divisions, aux éparpillements, aux affrontements. Ne sentez-vous pas l’impérieuse nécessité d’un bras assez puissant pour réunir en un seul faisceau les efforts divisés ? L’Empereur dispose d’une armée de deux cent mille hommes, notre armement est intact, la Nation dispose d’immenses ressources matérielles et morales. Le peuple va se lever pour repousser l’envahisseur.
    Que l’Empereur puisse fusionner toutes ces forces éparses et demain c’est Valmy et demain c’est Jemmapes.
    Mais les flambeaux qui l’entourent filent, fument, faiblissent. Le ton monte tandis que la lumière décroît. Ainsi éclairé à contrejour, le prince Lucien n’est plus qu’une ombre qui parle d’ombres. Le bruit des bottes s’éloigne pour jamais le long des berges de la Seine. L’effet de surprise se dilue en fumées sur la tête de l’orateur. C’est en vain qu’il souffle sur les braises des souvenirs épiques. Il n’attise plus que des ferments et des rancœurs. Insensiblement les députés reprennent un visage de bois.
    —  L’Assemblée n’a pas de leçon à recevoir d’un étranger, vous êtes un prince romain, dit Pontécoulant.
    La Fayette enfonce le clou.
    —  Avez-vous oublié que les ossements de nos enfants, de nos frères attestent partout notre fidélité dans les sables de l’Afrique et sur les rives de la Vistule et dans les déserts glacés de Moscovie   ? Nous avons assez fait pour lui. Maintenant notre devoir est de sauver la patrie.
    Les sicaires de Fouché s’élancent dans ce sillage   :
    —  Il faut sauver la patrie.
    Ils exigent qu’une commission soit envoyée à l’Élysée pour proposer l’abdication. M. de Lanjuinais lève la séance. Il est 5 heures du soir.
    6 heures
    L’Empereur a fait mander son vieil adversaire Benjamin Constant, rallié depuis les Cent-Jours et dont la pensée politique imprègne la rédaction de l’Acte additionnel.
    L’auteur de "De la Religion" considérée dans sa source, ses formes et son développement semblait inquiet et flatté d’être appelé en consultation. Ce matin même il avait âprement débattu avec les ennemis du régime.
    « Pendant qu’on s’évertuait à me démontrer que Bonaparte ne pouvait plus gouverner la France, quelqu’un survint qui nous apprit son retour à l’Élysée... Aussitôt les conspirateurs en herbe furent saisis d’une soudaine épouvante – on eût dit que l’ancien prestige reparaissait comme aux jours des victoires et chacun me quitta en me recommandant de ne pas révéler ces confidences prématurées. »
    Mais depuis ce matin l’idée de l’abdication a cheminé dans les esprits – et dans les discours.
    L’entretien va durer trois heures.
    —  Sire, hier je considérais votre renoncement comme funeste. Aujourd’hui je le considère comme souhaitable.
    —  Il ne s’agit pas à présent de moi, il s’agit de la France. On veut que j’abdique   ! A-t-on calculé les suites inévitables de cette abdication ? C’est autour de moi, autour de mon nom, que se groupe l’armée   : m’enlever à elle, c’est la dissoudre. Si j’abdique aujourd’hui, vous n’aurez plus d’armée dans deux jours... Cette armée n’entend pas toutes vos subtilités. Croit-on que des axiomes métaphysiques, des déclarations de droits, des discours de tribune, arrêteront une débandade ?... Me repousser quand je débarquais à Cannes, je l’aurais conçu   : m’abandonner aujourd’hui, je ne le conçois pas... Ce n’est pas quand les ennemis sont à vingt-cinq lieues qu’on renverse un gouvernement avec impunité. Pense-t-on que des phrases donneront le change aux étrangers   ? Si l’on m’eût renversé il y a quinze jours, c’eût été du courage... Mais je fais partie maintenant de ce que l’étranger attaque, je fais donc partie de ce que la France doit défendre... En me livrant, elle se livre elle-même, elle avoue sa faiblesse, elle se reconnaît vaincue, elle encourage l’audace du vainqueur... Et quel est donc le titre de la Chambre pour me demander mon abdication   ? Elle sort de sa sphère légale, elle n’a plus de mission. Mon droit, mon devoir, c’est de la dissoudre... et de reprendre la tête de l’armée.
    —  Et si cette armée se divisait   ?
    —  La portion qui me demeurerait fidèle va se grossir très vite d’une autre armée, innombrable celle-là et prête à mourir.
    —  Laquelle   ?
    —  Celle du peuple de France.
    —  Elle est

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