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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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Regnault regagne l’Élysée, porte-parole de l’Assemblée.
    Il dépeint à l’Empereur l’hostilité des députés et lui communique leur motion   : les ministres de la Guerre et des Relations extérieures sont invités à se rendre sur-le-champ au palais Bourbon.
    Napoléon explose   :
    —  Je vais envoyer à ces factieux un bataillon de la Garde. S’ils me poussent à bout, je les jette à la Seine.
    —  Sire, retournez à votre armée, dit Regnault, et laissez-nous batailler avec la Chambre.
    —  Regnault a raison, dit Carnot. Ne restez pas une heure de plus et courez reprendre la tête de l’armée.
    L’Empereur se tourne vers le maréchal qui garde un silence compact   :
    —  Davout, vous n’irez pas à cette convocation.
    Davout sent que le vent tourne. Il s’enfonce dans son silence.
    4 heures de l’après-midi.
    Le prince Lucien Bonaparte, commissaire du gouvernement, pénètre au palais Bourbon et s’installe à la tribune.
    En voilant l’éclairage, les représentants avaient estompé la salle dans un lugubre clair-obscur destiné à noyer l’image et à réduire le courant. Deux candélabres tordaient leurs fumées au-dessus du prince. Encadrée par des torchères vacillantes, la voix de Lucien partait d’une lumière tremblante vers une ombre hostile. Il ne voyait que la masse confuse de ces têtes éparses dans la pénombre molle, et son message se diluait dans les contours flous de l’Assemblée.
    —  Je dépose sur le bureau le message de Sa Majesté, et je vous demande de bien vouloir vous tenir en comité secret pour entendre les ministres...
    Mais le texte que lit Lucien révèle très vite une faille. La faille devient brèche où vont s’engouffrer les voix des opposants. Napoléon propose la nomination d’une commission de cinq membres qui travailleront de concert avec les ministres. Il passe pour la première fois depuis vingt ans de l’exercice autocratique du pouvoir au compromis parlementaire de la démocratie.
    Qui parle de régence ?
    —  La régence est un rideau qui cache un trône vide, dit Lucien.
    Qui parle d’abdication   ? Fouché bien sûr. Et déjà il laisse entendre qu’il serait préférable que l’Empereur propose plutôt que la Chambre impose. Mais Lucien se dresse et tonne   :
    «  —  Si la Chambre est mise en demeure de seconder l’Empereur et se dérobe, il faut que l’Empereur sauve la France à lui seul. Ne me parlez pas de vos lois. Aujourd’hui il n’y a qu’une loi qui est le salut de la patrie. »
    Un coup d’État général, chuchote Fouché.
    Jay chausse les bottes de Condorcet à la tribune de la Convention   :
    «  — Dussé-je éprouver le sort de ces anciens députés de la Gironde si célèbres par leur talent et leur infortune, je ne reculerais pas devant mon destin... Je me demande si Napoléon ne représente pas un obstacle insurmontable aux négociations de la paix. »
    Le ballet est bien réglé. Fouché se lève pour approuver le discours du compère qu’il a téléguidé. Et tandis que Jay conclut   : « La liberté publique ne peut pas s’établir en France sous un chef militaire », Fouché remonte en ligne pour appuyer son porte-parole. Il évoque les troubles dans les provinces et la marche de l’ennemi. Jay relancé franchit le pas et martelant ses mots   : « Je demande la nomination d’une commission chargée de présenter à Napoléon l’urgence de son abdication et de lui assurer qu’en cas de refus l’Assemblée prononcerait sa déchéance. »
    Lucien blêmit entre les flambeaux cinéraires et retrouve sous l’aiguillon le souffle qui l’animait dans les grandes heures de l’an VII.
    —  Vous ne pouvez pas vous séparer de l’Empereur sans perdre l’État, sans manquer à vos serments, sans flétrir à jamais l’honneur national.
    À la voix de Lucien qui secoue sa crinière, serre les poings et appuie ses menaces, les députés hésitent, se taisent. Et dans ce silence angoissé un ange passe. L’ange oublié du 18 brumaire. Et par la fenêtre entrouverte on entend le martèlement d’un régiment en marche. Vont-ils sauter par cette fenêtre eux aussi comme à Saint-Cloud ?
    —  L’Empereur n’a pas besoin des Chambres, il peut appeler à sa défense tous les patriotes en armes. Le revers de Waterloo nous ramène aux jours immortels de 1792... Les armées ennemies foulent le sol sacré de la patrie... Nous sommes comme alors en proie aux factions, aux

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