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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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il souhaitait se porter.
    —  Mais que va-t-il devenir   ? gémit Mme Bertrand. Et nous, qu’allons-nous faire   ? Pourquoi avons-nous quitté l’île d’Elbe où nous étions si heureux ?
    Hortense abrège l’entretien et sort du palais. Au moment où elle franchit la porte une femme en grande toilette aborde la sentinelle   :
    —  Soldat, on vous trompe, il est perdu sans retour, il a abandonné son armée...
    Le grognard étouffe un juron   :
    —  Fichez-moi le camp. Je ne l’abandonnerai pas, moi...
    Hortense reprend sa voiture, remonte les Champs-Élysées, erre désemparée, avant de revenir au palais. Elle n’y tient plus, il faut qu’elle le voie, qu’elle lui dise...
    La reine Hortense a un long cou d’albâtre, un nez retroussé, des yeux d’horizon marin, des frisures rousses et des accroche-cœurs sur les tempes.
    À Saint-Cloud elle a joué petite fille sur les genoux de l’Empereur. Quand elle a eu vingt ans il l’a mariée avec son frère Louis. Au lendemain de l’exil de l’île d’Elbe, Hortense est revenue à Paris et elle a été comblée de faveurs par les Bourbons. Le roi l’a faite duchesse de Saint-Leu. Et elle a oublié d’avertir Napoléon de la mort de Joséphine.
    À son retour il a eu des mots très durs pour elle. Elle a obtenu son pardon.
    Hortense est aujourd’hui la maîtresse de Flahaut.
    Napoléon marche seul sous les tilleuls, une marche coupée de courtes pauses, de brusques voltes et d’accélérations. Il continue à arpenter le jardin, solitaire, les mains crispées, jointes derrière son dos, la tête enfoncée entre les épaules. Hortense l’observe derrière un bosquet. Elle court vers lui. Elle a les traits défaits, les yeux mouillés. Il sursaute   :
    —  Qu’est-ce qu’on vous a dit   ?
    —  On m’a dit que vous aviez été malheureux, alors je suis venue...
    Il la dévisage sans répondre.
    —  Suivez-moi, dit-il enfin.
    « Il paraissait accablé de fatigue et de réflexion, il s’assit à son bureau, décacheta un paquet de lettres et ne les lut pas. Quand on vint l’avertir qu’il était servi, ce fut alors seulement qu’il sembla s’apercevoir de ma présence.
    —  Vous avez sans doute dîné, venez me tenir compagnie.
    Je le suivis, il ne proféra que quelques mots insignifiants pendant le dîner. Il paraissait absorbé par une méditation profonde, il rentra dans le salon où vinrent sa mère, son frère, passa avec eux dans le jardin et je les laissai {22} . »

 
    Journée du 22 JUIN
    « L’Histoire cette fable convenue. »
    N APOLÉON
    À 4 heures du matin, l’Assemblée a adopté une résolution chèvre-chou   : « Les Chambres pourront négocier directement avec les puissances alliées, mais avec le consentement de l’Empereur. »
    La Fayette qui achève sa péroraison sur une alternative menaçante lance à Lucien en descendant de la tribune   :
    —  Dites à votre frère qu’il nous remette son abdication, sinon nous lui envoyons sa déchéance.
    —  Et moi, je vous envoie La Bédoyêre avec un bataillon de la Garde...
    Fouché se penche vers Thibaudeau et lui glisse à l’oreille   :
    —  Il faut en finir aujourd’hui.
    Le général Solignac se dresse sur son banc   :
    —  Je propose qu’un ultimatum soit adressé à l’Empereur, mais assorti d’un délai, ce qui peut éviter une réaction violente dans l’immédiat et nous laisser le temps d’aviser.
    Un délai d’une heure, suggère-t-il.
    Lucien retourne à l’Élysée et trouve l’Empereur à son bureau.
    —  Alors   ? Qu’ont-ils dit   ?
    Lucien baisse la tête, accablé   :
    —  J’ai fait tout ce que j’ai pu mais Fouché les travaille. Et La Fayette. Et Lanjuinais. Ils ont dit que vous étiez l’unique obstacle à la paix   : « Que l’Empereur disparaisse et la paix est sauvée. »
    —  Et si je refuse   ?
    —  Ils prononceront votre déchéance. Les commissions ont déjà voté l’envoi de négociateurs aux Alliés et j’ai croisé dans votre antichambre Joseph, Caulaincourt, La Valette, Savary. Ils vont vous dire...
    —  Dites-leur d’entrer.
    Et Joseph, Caulaincourt, La Valette, Savary qui se sont ralliés aux dispositions de l’Assemblée vont à tour de rôle chuchoter le mot clef de la peur et l’indicatif du renoncement.
    —  Abdication...
    —  Abdication...
    —  Abdication...
    Ils sortent un par un. L’Empereur reste seul avec Lucien. Une rumeur profonde se rapproche,

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