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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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étriers vides battaient les flancs, des drapeaux sans hampe, des juments sans tête, des dragons sans torse. Ceux qu’il avait menés à la mort trois jours plus tôt. Et quand il eut, comme à Waterloo, épuisé sa charge et ses réserves, il se rassit comme on tombe {24} .
    —  Il est malade, murmura Masséna.
    —  Navrant, chuchota Drouot.
    —  Fou, dit Lefebvre.
    —  Fou, dit Thibaudeau.
    Un sourd malaise pesait sur l’Assemblée. Carnot n’ose pas intervenir. Personne n’interrompra l’extravagante chevauchée.
    —  Mais qu’est-ce qu’il a   ? demanda tout bas Mortier à Moncey.
    —  Ce qu’il a , c’est très simple   : IL A PEUR.
    —  Il a perdu la tête   !
    —  Non, il sait qu’il va la perdre.
    À la Chambre, Lacépède ouvre la séance et relate son entretien avec Napoléon   : Sa Majesté met une condition à son abdication   : la reconnaissance du roi de Rome.
    —  L’Empereur est mort, Vive l’Empereur. Nous devons reconnaître Napoléon II Empereur des Français.
    Boissy d’Anglas qui a retrouvé sa verve de conventionnel l’interrompt   :
    —  Où est-il votre Napoléon II ? En Autriche   ? Où allez-vous le couronner, à Vienne   ? C’est une vision dépassée par l’Histoire. La vérité, c’est que Napoléon en tombant, entraîne l’Empire dans sa chute...
    La Bédoyère outragé, se lève à son tour. Il a trente ans à peine. « Son front très découvert, presque dégarni de cheveux était haut et poli, mais chargé d’une sombre irritation, et ses yeux bleus étincelaient de colère. »
    —  Qui s’oppose à cette résolution   ? Ce sont ces individus, constants adorateurs du pouvoir, qui savent se détacher d’un monarque avec autant d’habileté qu’ils en montrèrent à le flatter... Ils repoussent aussi Napoléon II parce qu’ils sont pressés de recevoir la loi des étrangers, à qui déjà ils donnent le nom d’Alliés, d’amis peut-être... Malheur à ces généraux vils qui l’ont déjà abandonné et qui peut-être en ce moment méditent de nouvelles trahisons... Quoi   ! Il y a quelques jours à peine, à la face de l’Europe, devant la France assemblée vous juriez de le défendre   ! Où sont donc ces serments, cette ivresse, ces milliers d’électeurs, organes de la volonté du peuple   ? Napoléon les retrouvera si, comme je le demande, on déclare que tout Français qui désertera ses drapeaux sera jugé selon la rigueur des lois   : que son nom sera déclaré infâme, sa maison rasée, sa famille proscrite. Alors, plus de traîtres, plus de ces manœuvres qui ont occasionné les dernières catastrophes et dont peut-être les complices ou même les auteurs siègent ici.
    Le discours de La Bédoyère est très vite haché par les interruptions. Les chuchotements font place aux murmures, les murmures aux grondements, les grondements aux invectives.
    —  À l’ordre, à l’ordre...
    Les valets se cabrent sous le fouet. Les protestations, d’abord isolées au début de l’intervention enflent, se rassemblent, éclatent, couvrent la voix de l’orateur.
    —  À l’ordre, à l’ordre, à l’ordre...
    On entend la voix de tonnerre de Masséna dominer le tumulte.
    —  Jeune homme, vous vous oubliez...
    Et dans le silence revenu la flûte aiguë de Lameth   :
    —  Il se croit encore au corps de garde...
    La Bédoyère se tourne vers l’interrupteur   :
    —  Grand dieu, il est donc décidé qu’on n’entendra ici que des voix serviles et basses.
    —  Monsieur de La Bédoyère, je vous rappelle à l’ordre.
    L’assemblée vote à main levée pour l’inscription au procès-verbal.
    L’intronisation de Napoléon II n’allait pas sans quelques remous {25} . Les royalistes étaient foncièrement hostiles. Et les orléanistes pensaient que l’heure du duc d’Orléans avait sonné. Les républicains n’avaient pas renoncé au retour de la République. Mais c’est à une forte majorité que les députés, après avoir entendu les harangues lyriques de Béranger et de Boulay de la Meurthe, acclament Napoléon II Empereur des Français.

 
    Journée du 23 JUIN
    « Au moment où l’Europe armée s’avançait pour franchir nos frontières, cette assemblée de fonctionnaires, de rhéteurs et de légistes laissait tomber la fortune, l’honneur de la France aux mains souillées de l’homme qui portait le nom de Fouché. Un ancien moine oratorien succédait dans le gouvernement à Napoléon,

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