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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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d’acajou. Des singes, des girafes. Et cette calèche miniature que tiraient naguère sur la Terrasse du bord de l’eau les mérinos dressés par Franconi.
    —  Eh bien, monseigneur, vous ne jouez plus, voulez vous sortir   ?
    —  Non, je ne veux pas sortir. Et brusquement   : Je veux voir papa. Maman Quiou feint le sourire, essuie une larme, se penche sur l’enfant   :
    —  Votre papa est parti très loin, il reviendra bientôt.
    L’enfant a repris sa girafe de peluche.
    —  Savez-vous si M. Méva l’a vu   ?
    —  Oui.
    —  Alors, il lui a fait ma commission {46}   ?
    —  Certainement, monseigneur.
    —  Papa va venir me voir   ?
    Mme de Montesquiou sort sur la pointe des pieds. Le roi de Rome fait résonner une corde de la minuscule mandoline sur le ventre de velours du Turc de bois peint.
    Napoléon ne semblait pas voir les défections et les abandons, il ne mesurait pas le vide qui s’épaississait autour de lui. La cour avait fondu au creuset de la défaite. Les serments s’étaient évaporés au souffle du malheur.
    Comme une cité menacée par la peste dont les rumeurs parviennent aux habitants avant les bubons et les morts, Malmaison s’est vidée de ses hôtes. Ce n’est plus qu’un grand navire échoué entre les frondaisons, et dont l’équipage a déserté.
    Sur la pointe des pieds, à la pointe de l’aube, les dignitaires, les maréchaux, les courtisans ont quitté le vaisseau frappé de quarantaine. Volets clos, corridors vides, parc solitaire, pénombres funèbres. L’Empereur semble indifférent à cette migration. Il n’accorde d’attention qu’à des colonels dépenaillés qui sentent encore la poudre des batailles, la sueur des chevauchées et la poussière odorante des grands chemins, qui franchissent la grille sur un cheval exténué et viennent lui proposer leurs régiments. Ou ce qu’il en reste.
    Leurs visites alimentaient le rêve et confortaient la tentation   :
    —  Sire, les soldats n’attendent que vous.
    Mais les derniers venus lui parlaient de l’avance des Prussiens, des vantardises de Blücher   : « Je le prendrai vivant et je le ferai pendre. » L’invisible étau se referme sur Paris.
    Napoléon n’a que trois cents soldats de la Garde pour défendre Malmaison, mais il se cramponne à ses illusions et charge Beker d’informer Davout.
    « Dépêche du général Bekerau ministre de la Guerre
    La Malmaison, 28 juin 1815
    Monseigneur,
    Après avoir communiqué à l’Empereur l’arrêté du Gouvernement, relatif à son départ pour Rochefort, Sa Majesté m’a chargé d’annoncer à Votre Altesse qu’elle renonce à ce voyage, attendu que les communications n’étant pas libres, elle ne trouve pas une garantie suffisante pour la sûreté de sa personne. D’ailleurs, en arrivant à cette destination, l’Empereur se considère comme prisonnier, puisque son départ de l’île d’Aix est subordonné à l’arrivée des passeports, qui lui seront sans doute refusés pour se rendre en Amérique.
    En conséquence de cette interprétation, l’Empereur est déterminé à recevoir son arrêt à la Malmaison, et en attendant qu’il soit statué sur son sort par le duc de Wellington, auquel le Gouvernement peut annoncer cette résignation, Napoléon restera à la Malmaison, persuadé qu’on n’entreprendra rien contre lui qui ne soit digne de la nation et de son Gouvernement.
    Telle est, Monseigneur, la notification que je suis chargé de vous adresser, et sur laquelle j’attends de nouveaux ordres. »
    Flahaut arrive à midi aux Tuileries, il se dirige vers Fouché et à peine a-t-il articulé   : Sa Majesté l’Empereur, que Davout s’interpose avec une sorte de fureur   :
    —  Votre Bonaparte s’accroche, il faudra bien qu’il nous débarrasse de lui..., sa présence compromet le succès des négociations, il faudra qu’il s’en aille, et dites-lui que s’il ne part pas, c’est moi qui irai l’arrêter de ma main.
    Flahaut blêmit, sa main se crispe sur son épée   :
    —  Monsieur, il n’y a que celui qui donne un pareil ordre qui soit capable de le porter, je ne rapporterai pas ce message insultant. Surtout venant de la part d’un homme qui doit tout à l’Empereur et que j’ai vu voilà huit jours se traîner à ses pieds.
    Davout, cramoisi, s’avança vers Flahaut, celui-ci crut qu’il allait le souffleter. Le maréchal écumait. Flahaut criait son mépris.
    —  Obéissance à vous   ? À vous,

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