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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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toute une nuit sur la tombe de saint
Pierre, selon une recette connue pour sa capacité à guérir les cas les plus
désespérés ; on le saigna maintes fois, et on le purgea au moyen de vomitifs
tellement forts que son corps entier fut secoué de spasmes effroyables. Voyant
que tous ces remèdes restaient sans effet, on tenta de le délivrer de sa
douleur par révulsion, en posant des lambeaux de lin brûlants sur les veines de
ses jambes.
    Rien n’y fit. L’état
du pape continuant d’empirer, le bon peuple de Rome s’inquiéta de plus en plus.
Si Serge mourait aussi vite après son prédécesseur, provoquant une nouvelle
vacance du Trône de saint Pierre, l’empereur Lothaire risquait de saisir l’occasion
pour s’emparer de la ville et y imposer son autorité.
    Benoît, le frère
de Serge, était inquiet lui aussi  – non par amour fraternel, mais parce
que la maladie de son aîné menaçait directement ses intérêts particuliers.
Après avoir persuadé son frère de le nommer missus pontifical, il avait
profité de sa nouvelle position pour accroître ses pouvoirs au détriment du
pape. En conséquence, cinq mois à peine après le début de son règne, Serge ne
gouvernait plus qu’en apparence. Le pouvoir, à Rome, était entre les mains de
Benoît, et cet état de fait se manifestait d’ores et déjà par un accroissement
considérable de sa fortune personnelle.
    Benoît aurait
sans nul doute préféré jouir lui-même du titre de pape et des honneurs d’une si
haute dignité, mais il savait fort bien, et depuis toujours, que cet espoir lui
était interdit. Il n’avait ni l’éducation, ni la personnalité nécessaires à une
aussi noble fonction. En outre, il n’était que le cadet de Serge. Or, à Rome,
les titres et les biens n’étaient pas répartis entre les divers héritiers comme
en pays franc. En tant qu’aîné, Serge avait bénéficié de tous les privilèges
possibles. C’était là une injustice patente, mais nul n’y pouvait rien, et au
bout d’un moment Benoît avait cessé de se lamenter sur son sort pour chercher
la consolation dans les plaisirs de ce monde, lesquels, ainsi qu’il le
découvrit vite, ne manquaient pas à Rome. Pendant un temps, sa mère s’était
plainte de ses mœurs dissolues, mais elle n’avait fait aucune tentative
sérieuse pour le ramener dans le droit chemin : son intérêt et ses espoirs
se concentraient sur Serge.
    Aujourd’hui,
enfin, Benoît sortait de l’indifférence que le sort lui avait réservée. Il n’avait
eu aucun mal à convaincre son frère de le nommer missus : Serge s’était
toujours senti coupable de la préférence qu’on lui accordait par rapport à son
cadet. Benoît connaissait les faiblesses de son frère, mais il avait été encore
plus aisé qu’il ne s’y attendait de le corrompre. Après tant d’années d’étude
et de privations monacales, Serge était tout disposé à s’abandonner aux
plaisirs de la vie. Benoît ne chercha pas à l’envoûter par les femmes, car le
pape respectait à la lettre le vœu de chasteté. Ses convictions sur ce point
frisaient même l’obsession, à tel point que Benoît dut prendre grand soin de
lui dissimuler ses propres aventures.
    En revanche,
Serge péchait par un insatiable appétit pour les plaisirs de la table. Tout en
consolidant son pouvoir, Benoît s’appliqua à distraire son frère par un défilé
sans fin de merveilles gastronomiques. En matière de vin et de mets, la
gloutonnerie de Serge était prodigieuse. On le disait capable de consommer cinq
truites, deux poulardes rôties, une douzaine de pâtés de viande et un cuissot
de chevreuil entier en un seul repas. Un jour, après une orgie de ce genre, il
avait dit la messe du matin tellement gavé, tellement écœuré qu’à la grande
horreur des fidèles il avait vomi la sainte hostie sur l’autel.
    À la suite de cet
incident, Serge résolut d’en revenir à la stricte diète de pain et de légumes
qu’il avait connue dans les monastères. Ce régime Spartiate lui rendit sa
lucidité. Il reprit goût aux affaires d’État, ce qui contraria un temps les
plans de Benoît. Celui-ci attendit patiemment son heure. Quand il jugea que son
frère avait eu son content de pieuse mortification, il se remit à le tenter à
grand renfort de mets extravagants : sucreries de toutes provenances,
pâtés et potages, porcelets rôtis, tonneaux de vin toscan... Serge s’abandonna
de nouveau à sa gourmandise.
    Cette

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