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La Part De L'Autre

Titel: La Part De L'Autre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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il prétendait être
capable de faire jouir une femme. Il allait perdre sur ce terrain.
Vite. Revenir à la première position. Il prit une forte
respiration et dit paisiblement :
Faire
jouir une femme, je n'en vois pas l'intérêt.
    Le
modèle comprit qu'elle ne le coincerait pas si aisément.
Elle lui saisit alors le poignet.
Ah,
m n'en vois pas l'intérêt ? Suis-moi.
    Tiré
par surprise, cherchant encore une réponse, Adolf la suivait.
Plus moyen de s'arrêter désormais. Il n'allait pas subir
le ridicule de se dégager en route. Le modèle le traîna
jusqu'à un café qu'il ne connaissait pas. Une fois
entrée, elle relâcha son étreinte mais ses yeux
le contraignirent à s'asseoir avec encore plus de force
coercitive que ses muscles.
Regarde
autour de toi, tu vas comprendre. Tu es dans un café
d'artistes. Tous les assemblages possibles se trouvent autour de
nous. Prends un verre. Tu es mieux qu'au zoo. Il y a une cage par
table. Examine les couples et vois ce qui réunit tel homme à
telle femme. Celui-ci doit sa jolie femme à l'argent ; elle
couche avec le porte-monnaie. Celui-ci doit sa femme à son
physique ; il est mieux qu'elle ; elle acceptera tout plutôt
que de le perdre car il y aura toujours une autre qui en voudra.
Celui-ci et celle-là sont du même niveau, tenus par
l'habitude et les promesses : ce n'est pas bien solide. Celui-ci a
du génie, il trouvera toujours une femme sans estime
d'elle-même qui sera heureuse d'être l'esclave d'un
grand homme. Celui-ci est moche, avare et mauvais baiseur, tu ne
t'étonneras pas qu'il boive seul. Maintenant regarde un peu
Vladimir.
    Elle
désigna un homme haut, un peu voûté, les cils
broussailleux, le nez fort, les yeux très noirs, qui trinquait
avec une très jolie femme.
Vladimir
n'est ni beau, ni laid, disons qu'il n'est pas repoussant. Vladimir
n'a pas beaucoup de talent, il excelle tout au plus à fournir
des gravures pour boîtes de chocolats. Vladimir va maintenant
sur ses cinquante ans. Eh bien, il les a toutes eues ! Toutes ! Même
les comédiennes riches, jeunes, belles, celles qui avaient le
choix. Et, en ce moment, il est encore en train d'en tomber une.
    La
comédienne aux yeux verts souriait avec abandon à
Vladimir, plus docile qu'un chaton du jour.
Pourquoi
? Parce que Vladimir sait rendre une femme heureuse. Plus
exactement, il ne les rend pas heureuses, il les rend folles.
    Le
modèle obligea Adolf à la regarder et le fixa. Il avait
l'impression qu'elle l'ajustait, qu'elle allait tirer.
Vladimir
a le pouvoir. Le vrai. Celui qui ouvre toutes les portes et tous les
coffres-forts. Il sait rendre une femme heureuse.
Et
alors ? dit crânement Adolf.
    Entre
eux deux, l'insolence devenait contagieuse.
Tu
ne comprends pas ?
Je
répète : et alors ? Cela nous mène où ?
Pourquoi est-ce que tu me racontes ça ?
Est-ce
que je t'ai permis de me tutoyer ?
Non.
Pas que je sache. Mais moi non plus je ne t'avais pas donné
l'autorisation
    Elle
sourit, satisfaite du ton agressif qui rythmait leurs échanges.
Voilà
: je te propose de te l'apprendre, petit morveux.
M'apprendre
quoi ?
A
rendre une femme heureuse.
    Il
la dévisagea : elle le regardait avec haine. C’était
irrésistible. Si
j'arrive à faire crier cette femme, cela signifie que j'y
arriverai avec toutes.

    Hitler
n'en revenait pas.
    Voilà
maintenant plusieurs semaines que, le mercredi matin à huit
heures, Fritz Walter, dans son manteau d'astrakan, ganté
d'agneau noir, la joue lisse mais encore irritée par le rasage
frais, fleurant bon la violette mêlée de lavande que les
barbiers venaient de mettre à la mode, frappait à la
porte, entrait de son grand pas de riche marchand d'art, commentait
les œuvres de la semaine, les emportait dans sa galerie et lui
donnait l'argent de la semaine précédente.
Cinquante-cinquante,
n'est-ce pas, mon bon ami ?
    Hitler
approuvait de la tête. Il ne lui serait pas venu à
l'idée de contredire cet esthète qui, outre les
billets, lui apportait chaque mercredi la confirmation qu'il était
un vrai peintre.
    Les
sommes n'étaient pas importantes mais Fritz Walter savait les
justifier.
Les
clients sont très impressionnés lorsque je leur dis
que vous n'avez que dix-sept ans...
Vingt.
Ah
oui, vraiment ? Donc ils sont très impressionnés
lorsque je leur révèle votre jeune âge. Mais en
même temps, ils en profitent. C'est fatal. « Fritz, me
disent-ils, m nous vendras ton Adolf Hitler au prix que tu voudras
dans quelques années mais, s'il te

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