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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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journée sans nuages comme
celle-ci, l’on aurait eu peine à trouver meilleure cible.
    Les circonstances nécessitaient
donc une attaque nocturne, mais Takezō avait observé que l’on fermait et
verrouillait les portes avant le coucher du soleil. Toute tentative de les
crocheter ne manquerait pas de déclencher un signal d’alarme cacophonique de
claquets de bois. Il ne semblait pas y avoir de moyen infaillible d’aborder la
forteresse.
    « Impossible, se disait
tristement Takezō. Même si je risquais ma vie et la sienne, ça ne
donnerait rien. » Il se sentait humilié, impuissant. « Comment, se
demandait-il, en suis-je arrivé à être aussi lâche ? La semaine dernière,
je n’aurais même pas songé aux chances de m’en tirer vivant. »
    Durant une demi-journée encore,
ses bras demeurèrent croisés sur sa poitrine, comme noués. Il redoutait quelque
chose qu’il ne pouvait définir, et hésitait à se rapprocher tant soit peu de la
palanque. Il ne cessait de s’adresser des reproches : « J’ai perdu
mon audace. Jamais je n’ai été comme ça jusqu’ici. Peut-être que le fait de
regarder la mort en face rend tout le monde lâche. »
    Il secoua la tête. Non, ce n’était
pas cela, pas de la lâcheté.
    Il avait tout simplement appris sa
leçon, celle que Takuan s’était donné tant de peine à lui enseigner, et pouvait
maintenant voir les choses de façon plus nette. Il éprouva un calme nouveau, un
sentiment de paix. Cela semblait couler dans sa poitrine à la façon d’une
rivière tranquille. Etre brave était tout différent d’être féroce ; il le
constatait maintenant. Il ne se sentait pas un animal, mais un homme, un homme
courageux qui a dépassé les agitations de l’adolescence. La vie qui lui avait
été donnée était un trésor qu’il fallait chérir, polir et perfectionner.
    Il regardait fixement le joli ciel
clair, dont la seule couleur paraissait un miracle. Pourtant, il ne pouvait
abandonner sa sœur, même si cela revenait à violer, une dernière fois, la précieuse
connaissance de soi qu’il avait si récemment et si péniblement acquise.
    Un plan commença de prendre forme :
« Après la tombée de la nuit, je traverserai la vallée et grimperai sur la
falaise, de l’autre côté. Il se peut que cette barrière naturelle soit une bénédiction
déguisée ; il n’y a pas de porte à l’arrière, et la garde semble réduite. »
    A peine en était-il arrivé à cette
décision qu’une flèche siffla vers lui et se ficha dans la terre à quelques
centimètres de ses orteils. De l’autre côté de la vallée, il vit une foule de
gens s’agiter à l’intérieur de la palanque. De toute évidence ils l’avaient vu.
Presque aussitôt, ils se dispersèrent. Il supposa qu’ils avaient voulu le
mettre à l’épreuve, voir comment il réagirait, et demeura exprès immobile sur
son perchoir.
    Bientôt, le soleil du soir
commença de se coucher derrière les sommets des montagnes de l’Ouest. Juste
avant la tombée de la nuit, il se leva et ramassa une pierre. Il avait repéré
son dîner en train de voler au-dessus de sa tête. Il abattit l’oiseau du premier
coup, le déchira en deux et mordit dans la chair tiède.
    Tandis qu’il mangeait, une
vingtaine de soldats l’encerclèrent bruyamment. Une fois en position, ils
lancèrent un cri de guerre ; un homme vociféra :
    — C’est Takezō ! Takezō
de Miyamoto !
    — Il est dangereux !
Attention ! cria un autre.
    Levant les yeux de son festin de
volaille crue, Takezō considéra farouchement ceux qui cherchaient à le
capturer. C’était le regard que lancent les animaux dérangés au milieu d’un
repas.
    — Y-a-a-h-h ! hurla-t-il
en saisissant une énorme pierre qu’il précipita contre cette muraille humaine.
    Le sang rougit la pierre, et en un
rien de temps Takezō l’enjamba, libre, et courut droit vers la porte de la
palanque.
    Les hommes en restaient bouche
bée.
    — Qu’est-ce qu’il a fait ?
    — Où va ce fou ?
    — Il perd la tête !
    Il volait comme une libellule
folle, avec à ses trousses les soldats poussant des cris de guerre. Mais au
moment où ils atteignirent le portail, il avait déjà bondi par-dessus.
    Pourtant, il se trouvait
maintenant entre les portes, dans une véritable cage. Takezō ne vit rien
de tel. Il ne voyait ni les soldats qui le poursuivaient, ni la barrière, ni
les gardes derrière la seconde entrée. Il n’eut même pas conscience

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