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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mon
logis.
    — Monsieur le Marquis, dit Rousselet en rougissant et
en me faisant un profond salut, vous me faites un immense honneur, mais j’ai
laissé mes bagues à l’auberge de l’Écu, près du Pont Neuf.
    — Cela n’empêche. Je les enverrai quérir dès demain.
    Là-dessus, sur un signe de moi, Franz, le bougeoir à la
main, mena le bonhomme jusqu’à la chambre au-dessus de moi, laquelle était
demeurée fort tristement seulette et vacante depuis le départ de Louison.
    — Mon Pierre, dit Miroul, dès que Rousselet eut quitté
la salle. Quelle brouillerie est cela ? Et pourquoi dire que
M. de Rosny sera absent de Paris demain ?
    — Pour me laisser du temps.
    — Du temps pourquoi ?
    — Pour creuser sous cette mine une contremine.
    — Et quelle belle gambe me fait cette
explication !
    — Je t’en dirai demain soir davantage.
    — Quoi ? Encore des cachottes ! dit Miroul
avec un air de contrefeint chagrin. Mon Pierre, je ne sais si un jour vous
réussirez à surjésuiter les jésuites, mais d’ores en avant je vous vois apte à
machiavéliser Machiavel.
    Le lendemain, dès que le jour fut vieil assez pour que ma
visitation ne fût pas indécente, je dépêchai Thierry porter un billet à
Catherine de Guise, la suppliant de me recevoir dedans l’heure : ce
qu’elle fit.
    — Mamie, dis-je, en me jetant à ses pieds et couvrant
ses mains de poutounes, je vous dois quelques excusations de devancer l’heure à
laquelle vous êtes accoutumée de me recevoir, mais j’ai les joues gonflées
d’une nouvelle de grande conséquence concernant la maison de Guise,
laquelle vous devez apprendre sans remise ni délai.
    — Et quelle ? Quelle ? dit-elle en ouvrant
avec effroi son œil azuréen.
    — Que les Rémois ont dépêché à Sa Majesté pour lui
dire qu’ils étaient prêts à se donner de soi à elle, quitte à faire le poil à
Monsieur votre fils et même à se saisir de lui.
    — Ha ! les traîtres ! Ha ! les
rebelles ! cria-t-elle, son œil bleu enflammé, et se tordant les mains, je
les voudrais tous noyés ou péris dans les flammes. Hélas ! C’en est fait,
je le vois, de ma maison ! Ha ! pauvre fils ! Ha ! pauvre
moi !
    — Mon ange, dis-je, me levant et la prenant dans mes
bras, il ne faut point désespérer. Vous êtes de présent à égalité avec les
Rémois, mais c’est à vous de lancer l’esteuf.
    — Mais que faire ? cria-t-elle, les larmes
jaillissant de ses yeux et roulant sur ses joues, grosses comme des pois, que
faire, mon Pierre ?
    — Mamie, dis-je, écrire sur l’heure à Péricard de
conclure au plus vite avec M. de Rosny – ce matin même, s’il le
peut – en sacrifiant les trois grosses demandes de votre fils qui font le
plus de difficultés : à savoir le governorat de la Champagne, les
bénéfices de feu le cardinal de Guise et la charge de Grand Maître de la
Maison du roi.
    — Mais c’est l’essentiel ! cria-t-elle.
    — Nenni, Mamie, nenni ! L’essentiel est un
governorat quel qu’il soit et où qu’il soit, la dotation de quatre cent mille
écus pour payer les dettes du duc de Guise et la faveur retrouvée du roi.
Écrivez sur l’heure à Péricard : j’irai de ma personne lui porter la lettre,
pour être sûr qu’elle lui sera remise en main propre.
    — Ha ! méchant ! M’allez-vous jà
quitter ? dit-elle.
    — Je reviendrai céans après la repue de midi, si vous
m’en baillez permission.
    — Benoîte Vierge ! dit-elle en se levant et en se jetant
dans mes bras, les larmes roulant encore sur ses joues, vous l’ai-je mie
refusée ?
    Ma pauvre petite duchesse s’assit à son secrétaire, secouée
encore par les alarmes que lui donnait l’appréhension de l’avenir, et pour son
fils, et pour elle-même et pour sa maison. Et incapable qu’elle était de
rassembler deux idées, elle me pria de lui dicter la lettre : ce que je
fis, faisant état de tout ce que le lecteur sait jà, mais sans nommer, par
prudence, Rousselet. Non que je crusse que Péricard fût homme à le faire
assassiner, mais désireux que j’étais que le maillon qui allait conjoindre
Rousselet à Rosny ne fût ni connu ni mentionné.
     
     
    — Belle lectrice, je vous vois froncer votre joli nez
et m’espincher d’une façon fort suspicionneuse : que veulent dire ces
petites mines ?
    — Que je m’apense, Monsieur, avec Miroul, que vous
jouez là un rollet très ambigueux ; que je n’entends goutte à

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