Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
vos
brouilleries ; et que je me demande bien qui vous servez à la fin des
fins : le roi ? La duchesse ? Ou les Rémois ?
    — Je sers le roi. Je sers la duchesse. Et maugré les
apparences, je ne dessers pas les Rémois.
    — Pourquoi de prime avez-vous informé Catherine des
intrigues des Rémois contre son fils ?
    — Pour qu’elle rabatte les trois exorbitantes demandes
qui jusques ores paralysaient la négociation : tant est que, ces traverses
levées, le traité, en effet, se conclut.
    — Car il se conclut ?
    — Oui-da !
    — Vous avez donc desservi Catherine en la contraignant
par vos ruses à des concessions ?
    — Tout le rebours. L’intérêt de Catherine était que le
roi traitât avec Guise, même au prix d’un rabattement, et non pas avec les
Rémois.
    — Et pourquoi avez-vous par un éclatant mensonge
retardé d’un jour l’encontre de Rousselet avec M. de Rosny ?
    — Pour que Rosny ne fût pas tenté de conclure avec les
Rémois plutôt qu’avec le Guise.
    — Vous avez donc desservi les Rémois ?
    — Nenni ! Pour la raison que le roi, apprenant
leurs louables intentions à son endroit, ne faillira pas à leur accorder les
franchises auxquelles ils ont appétit.
    — Mais Monsieur, n’était-il pas dans l’intérêt du roi
qu’il traitât avec les Rémois ? Il aurait épargné à sa cassette un
saignement de quatre cent mille écus…
    — Bravo, Madame, bravo ! Il ne vous suffit pas
d’être belle, vous êtes fine aussi et avez mis le doigt sur la seule
circonstance qui m’ait fait quelque peu balancer. Mais point longtemps !
Car observez de grâce, belle lectrice, que quatre cent mille écus, c’est peu,
très peu, en comparaison de ce que nous coûte, nous a coûté et nous coûtera la
belle Gabrielle, et cela sans autre utilité pour le royaume que de garder
Sa Majesté en joie. Mais quant à moi, je vais plus outre et j’affirme que
quatre cent mille écus, c’est un très petit prix pour payer le ralliement du
duc de Guise au roi.
    — Et pourquoi cela ?
    — Pour ce que ce ralliement est un acte politique de
grande conséquence et de grand effet, et en France, et en Espagne, et au
Vatican. Hé, Madame ! songez-y ! Quel soufflet pour Mayenne que son
propre neveu le quitte pour se rallier au roi ! Quel soufflet pour Philippe II
que Guise – Guise, Madame, ce nom immense, quasi synonyme de Sainte Ligue
et d’alliance espagnole ! – se raccommode avec le Béarnais ! Et
quel avertissement pour le Vatican de cesser à la parfin de faire trotter le
roi avec les carottes de l’absolution…
    — Mais, Monsieur, il m’apparaît que vous avez joué là
un rollet décisif.
    — Moi, Madame, et Rousselet, et Rosny, et Péricard.
    — Tiens donc ! Vous voilà tout modeste ! Que
la chose est nouvelle !
    — Madame, vous me picaniez ! Cependant ma modestie
n’est pas contrefeinte. J’entends seulement par là qu’il ne s’encontre si petit
acteur dans le progrès de l’Histoire, qui ne puisse, par son esprit, ou son
aveuglement, ou tout simplement par chance, s’engager dans un acte qui éclate
loin de lui en incalculables conséquences. En voici deux exemples. Une
après-midi d’été qu’il avait fait très chaud, Rosny s’alla promener dans la
forêt de Laon et, en raison de cette promenade, sauva le roi de France du
déshonneur d’être capturé ou tué par Mansfeld, alors qu’il mangeait des prunes.
Au rebours, mon pauvre bien-aimé maître Henri Troisième dut sa mort à
l’incommensurable sottise du procureur général La Guesle qui amena à lui
Jacques Clément sans songer à le faire fouiller. Et le même La Guesle vient de
prouver une deuxième fois son émerveillable stupidité en faisant campagne pour
la surséance dans le procès des jésuites ! Cornedebœuf ! Si sa bêtise
entraîne la mort de Henri Quatrième, sur cette main que voilà, je tuerai ce
sottard !
     
     
    Ce jurement sanguinaire – si disconvenable et à ma
philosophie et à ma naturelle humeur – me fut arraché par l’indignation.
Mais je m’en ramentus trois mois plus tard, le jour où le roi revint d’un
voyage en Picardie, au cours duquel il avait visité les villes qui s’étaient
rendues à lui. Il n’advint en Paris qu’à la nuitée, à la lumière des flambeaux
et des torches, accompagné d’une cinquantaine de chevaux et d’autant de gens de
pié. M’étant, par le plus grand hasard, trouvé rue de l’Autruche sur

Weitere Kostenlose Bücher