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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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d’Allemagne.
    — Cornedebœuf ! dit La Surie avec un brusque
éclat de voix.
    — Je n’en crois pas mes oreilles, dis-je, bridant comme
je pus ma trémulente indignation. Henri jetterait par-dessus bord toutes ses
alliances et il serait bien aise encore que le sourcil espagnol s’abaisse
jusqu’à lui faire la loi !
    Je ne pus en dire plus : j’en aurais dit trop, et je
vis que La Surie était, lui aussi, bouillant de rage, car s’étant levé de
table, il marchait qui-cy qui-là dans la pièce, les poings serrés derrière le
dos. Quant à moi, tâchant de me recomposer, je voulus prendre le flacon de vin
et remplir mon gobelet, mais ma main tremblait si fort du fait de mon ire que
j’en versai autant sur la table que dedans.
    Cependant, l’œil vif de Vincenti allait de La Surie à
moi, et de moi à La Surie, et le pensement me vint que Giustiniani ne lui
avait confié la tâche de nous avertir de la mission qu’on prêtait à Giovanni
Francesco que pour observer les réactions de gentilshommes français dont le
cardinal ne pouvait douter qu’ils ne fussent très au fait des desseins d’Henri
Quatrième et de son caractère. Si tel était le cas, Vincenti n’avait pas manqué
d’être édifié par la violence de notre émeuvement. Et nous n’avions pas, quant
à nous, à ajouter mot ni miette : notre folle colère avait parlé pour nous
et serait, à n’en pas douter, décrite à Giustiniani, et par celui-ci au Saint
Père.
    Dès que Vincenti eut quis de moi son congé, je pris mon
Miroul par le bras et l’emmenai au jardin où un rayon de soleil, le premier
depuis un mois, paraissait nous appeler.
    — Le pape délire ! dit La Surie entre ses
dents, dès que nous fûmes engagés dans l’allée bordée de cyprès. Le pape
exigerait d’Henri, pour faire la paix avec Philippe, de se défaire des
alliances qui l’aident précisément à se défendre contre lui !
    — Nenni, Miroul, dis-je, le pape ne délire pas. Il
barguigne. Il tâtonne. Peut-être veut-il faire accepter à Philippe l’idée de
l’absolution de Henri en le leurrant de l’espoir d’une paix avantageuse. Mais
de toute façon, mon Miroul, je me suis apensé que le temps est venu que tu
retournes en France avertir le roi pour la raison qu’il me paraît fort
offensant pour Sa Majesté qu’elle dépêche Mgr Du Perron à Rome
dans le même temps que Giovanni Francesco est à Madrid.
    — Je me le suis apensé aussi, dit La Surie. (Et il
portait un air fort marmiteux tant il était réluctant à l’idée de me quitter.)
Mais as-tu réfléchi, mon Pierre, que si je dépars de Rome pour Paris dans le
même temps que Giovanni Francesco pour Madrid, le duc de Sessa ne pourra qu’il
ne rapproche les deux départs et ne se persuade en conséquence que c’est toi le
négociateur secret entre Henri et le pape. Et alors, mon Pierre, que tu vives
ou non, « très à l’étourdie », tu vas courre de ce fait de grands
périls et je ne serai même plus là pour les partager avec toi.
    — Ha, mon Miroul ! dis-je en lui donnant une forte
brassée et en couvrant ses joues de poutounes, le cœur me toquant de son
adamantine affection pour moi, je me suis dit tout cela ! Mais peux-je me
fier à une lettre pour en conter ma râtelée au roi, car outre que cette lettre
peut se perdre ou être volée par nos ennemis, comment rendre sur le papier les
infinies mouvances, nuances et subtilités de la politique vaticane ? Une
lettre, hélas, ne peut répondre aux questions qu’on lui voudrait poser…
    Sur l’escorte que La Surie devrait emmener avec lui, il
me fallut avec lui débattre longuement, car dans son désir d’assurer mes
sûretés, il eût voulu m’en laisser la plus grande part, ce que je noulus de
clic et de clac, arguant que, vivant dans une ville policée, je n’aurais pas à
affronter une attaque frontale, mais un bien plus sournois attentement contre
lequel le nombre des arquebusiers serait sans utilité. Pour la même raison, et
parce que dans le plat pays et sur les grands chemins, le salut contre un
ennemi supérieur en nombre se doit le plus souvent trouver dans la fuite,
j’obligeai mon Miroul à choisir parmi mes chevaux les plus rapides. Je dois ici
rendre cet hommage à mon Miroul que, persuadé comme il l’était que son
départir, suivant de si près celui de Giovanni Francesco, allait être interprété
par l’Espagnol comme la preuve que j’étais bien le négociateur secret,

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