Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
sans même être
agréé comme amant – était jà de soi une distinction enviable, que non
point mon or, mais mes mérites personnels par lui tout au long décrits,
m’avaient valu ; que je devais y rêver à l’avance et me mettre dans les
dispositions voulues, car il serait au plus haut point disconvenable à une
personne de ma qualité de ne point faire à la signora Teresa une cour à
l’italienne  ; que sans doute il ne faudrait pas omettre de lui
apporter un cadeau et un autre à sa mamma, sans compter quelques clicailles à
glisser au portier, à la cameriera, au valet qui dans les communs
prendrait soin de mes chevaux et de mon escorte ; que tout cela,
toutefois, n’était que broutilles et que l’important était mon déportement à
l’endroit de la signora et que si, comme il le croyait, j’étais un homme
de primesaut, fort emporté dans mes émeuvements, je devais ne pas craindre de
me laisser transporter par sa beauté, mais sans sortir des formes du
respect ; qu’il ne fallait rien, de reste, abandonner au hasard, mais me
faire suivre d’une nombreuse et magnifique escorte, me vêtir de satin et de
perles, porter des armes damasquinées et des bagues de grand prix sur mes
gants, non point pour me paonner de ce luxe comme les arrogants Espagnols font
d’ordinaire, mais pour en faire honneur à la signora ; qu’il ne
fallait pas, de reste, que je m’attendisse à ce qu’elle me parlât beaucoup,
occupée qu’elle serait à m’ouïr, à m’observer, à peser mes mérites dans de
fines balances qui n’appartenaient qu’à elle et qui n’erraient jamais ;
qu’à la fin de ma présentation, quand je mettrais un genou à terre pour lui
baiser la main, elle me signifierait qu’elle m’agréait ou non en acceptant, ou
en refusant mon cadeau ; que si elle me refusait, il serait décent que
loin de marquer colère ou dépit, je versasse quelques larmes en m’en
allant ; si elle m’agréait, je devais, bien au rebours, modérer mes
transports et quérir d’elle, d’un ton modeste et décent, de me fixer un jour
avant de me retirer ; que lorsque je serais à la parfin devenu son amant,
elle attendrait de moi que le dimanche suivant à dix heures, à Saint-Jean-de-Latran,
je me tienne debout à côté du bénitier, pour lui faire, à son advenue, un
profond salut, en lui tendant l’eau bénite, mais, sans mot piper, par révérence
pour le saint lieu ; et qu’enfin, je devais, sous peine de lui manquer
gravement, passer chaque jour à cheval sous sa fenêtre, sur le coup de quatre
heures, afin que de lui faire un profond salut : bonnetade à laquelle elle
répondrait par un tendre souris et une connivente œillade, lesquels, observés
incontinent et partout colportés, me vaudraient aussitôt à Rome un
grandissimo prestigio…
    —  Alfonso, dis-je, ce n’est pas tant le prestige
auquel j’ai appétit que le bonheur.
    — Chez un gentilhomme, Signor Marchese, le
prestige est un élément du bonheur.
    — Vrai ! Mais pourquoi appelles-tu à l’italienne la cour que je dois faire à la pasticciera  ?
    — Pour la raison que j’ai observé que les gentilshommes
étrangers, une fois que l’or leur a livré une belle courtisane, s’imaginent
qu’ils possèdent tout d’elle, parce qu’ils ont l’usance de leur corps. Les
Italiens ont trop de subtilité, Signor Marchese, pour tomber dans cette
erreur. Aussi font-ils fort galamment leur cour à celles-là mêmes qui à eux se
vendent, afin que de conquérir ce quelles ne vendent pas : leur affection.
Car, par le moyen de cette tendresse – et donnée et reçue – ils
espèrent atteindre un plaisir infiniment plus doux.
    — Alfonso, dis-je gravement, voilà qui est bien dit et
bien pensé. Tu as beaucoup appris chez les moines.
    — Nenni, Signor Marchese, reprit-il, je n’ai
rien appris dans mon cloître, mais prou dans le monde à me frotter aux grands.
    —  Id est [72] aux amants de
Teresa ?
    — À eux, mais surtout aux cardinaux toscans. Pour ne
pas vous le celer davantage, Signor Marchese, j’ai été le mendicante attitré du cardinal Ferdinando di Medici, lequel, devenu grand-duc de Toscane,
m’a légué au cardinal Giustiniani, lequel, à votre advenue, m’a légué à vous en
même temps qu’il vous a loué son palais. Le cardinal opinionnait que je devais,
en quelque guise, veiller sur vous.
    — Ou m’épier ?
    —  Signor Marchese, dit Alfonso d’un air peiné,
je n’avais pas à

Weitere Kostenlose Bücher