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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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voix forte :
    — Messieurs les habitants et manants de Reims,
M. le marquis de Quéribus, par ma voix, a l’honneur de vous demander
l’entrant, dans le dessein qu’il a de visiter Monseigneur de Guise dont il
est le parent.
    — Monsieur, dit l’homme au casque, je ne peux n’étant
que sergent, prendre sur moi de vous déclore. Mais plaise à vous d’espérer un
petit. Je vais envoyer quérir le lieutenant du peuple.
    Ayant dit, il retira sa face de la lucarne, et je demeurai
seul, j’entends seul avec les mousquets qui me visaient par les créneaux des
remparts et qui, de reste, se redressèrent l’un après l’autre, les paroles
prenant fort heureusement le relais de la poudre, à en juger par les questions
criées dont je fus assailli.
    — Monsieur, d’où venez-vous ? Êtes-vous de la
Ligue ? Êtes-vous à Navarre ? Qu’en est-il de Paris ? Fûtes-vous
à Laon ?
    — Messieurs de Reims, dis-je, en les saluant amplement
derechef de mon chapeau, plaise à vous de souffrir que j’attende le lieutenant
de la prévôté pour répondre à vos questions.
    — Monsieur, qui êtes-vous ? cria une voix
stentorienne.
    — Monsieur, dis-je, après un moment de silence, je suis
Français naturel, et par les temps qui courent, je m’en paonne assez.
    Cette phrase, qui n’était point sans pointe ni
intention – visant les hôtes indésirés de la ville – fut accueillie
par des rires et des marques d’approbation, lesquels me convainquirent que
Saint-Paul ne régnait dans les murs que par force et contrainte.
    — Monsieur, reprit la voix, êtes-vous
gentilhomme ?
    — Oui-da, Monsieur !
    — À quoi appartenez-vous ?
    Mais à cette question-là, j’avais ma réponse prête.
    — À Madame la duchesse de Guise, que Dieu la
garde !
    — Que Dieu la garde ! reprirent quelques voix sur
les remparts, mais non pas toutes.
    Ha ! m’apensai-je, même les Guise ne sont plus tant
populaires en leur governorat ! Se peut que ce fruit-là soit mûr pour mon
maître.
    — Monsieur ! reprit une autre voix, plus aiguë et
moins stentorienne que la précédente, venez-vous nous délivrer de qui vous
savez ?
    À cette question, qui fit le silence sur les remparts et me
parut fort périlleuse pour nos sûretés – que j’y répondisse ou non –
je dis :
    — Monsieur, je ne connais pas qui vous savez.
    Là-dessus, voulant couper court à un interrogatoire qui
prenait une telle pente, j’imaginai de faire caracoler ma jument, laquelle,
fatiguée de son immobilité, fut tant ravie de s’ébattre qu’elle n’y alla pas de
la moitié d’une croupe, et faillit me désarçonner, ce qui m’engagea à la
remettre dans le droit chemin en la faisant passer par tous les exercices
d’école auxquels je l’avais dressée : spectacle qui captiva tant les milices
bourgeoises qu’elles s’accoisèrent jusqu’à ce qu’une face, apparaissant à la
lucarne du châtelet d’entrée, me criât :
    — Monsieur, de grâce, démontez et passez par la porte
piétonnière que nous allons déclore, et venez avec moi vous entretenir. Je suis
le lieutenant Rousselet.
    Je ne pus que je n’obéisse, encore que de fort mauvaise
dent. Cornedebœuf ! m’apensai-je en mon for. Voilà à quoi la Ligue a
réduit notre France. N’y circule pas qui veut. Toute ville y est de présent un
royaume avec ses petits rois, et ses petites frontières, et ses petites lois.
    Je passai donc la porte piétonnière, tenant ma Pompée par la
bride qu’un valet vint me prendre, à qui je baillai tout de gob deux sols, en
lui recommandant de bien la bichonner, la pauvrette étant tout en eau du labour
où je l’avais soumise. Et un sergent m’amenant poliment assez jusqu’au corps de
garde, j’y encontrai à la parfin le lieutenant du peuple qui, renvoyant ses
hommes, me voulut parler bec à bec, et de prime m’envisagea un moment, moi-même
le contrenvisageant, et chacun de nous, semble-t-il, aimant ce qu’il voyait,
pour ce qu’à la fin, il me sourit et je lui contresouris.
    Le lieutenant du Peuple est à Reims une sorte de prévôt des
marchands ou de maire, lequel est élu par les manants et habitants de la bonne
ville, et qui se trouve en grande autorité parmi eux. À ce que j’avais appris à
Laon, son prédécesseur en cet office, le lieutenant Julien Pillois, fort
archiligueux et fort espagnol, avait en trahison de ceux qui l’avaient choisi
(et qui voulaient se livrer au roi après sa conversion)

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