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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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son
escorte.
    — Monsieur, dit le baron en attachant sur moi un regard
hautain, j’espère que vous pourrez m’expliquer pourquoi, venant de Paris, vous
avez contourné la ville pour vous présenter à la Porte Ouest, au lieu que de
vous présenter à la Porte-Mars comme le voulait le chemin le plus court.
    — Mais, Monsieur, dis-je d’un air quasi naïf, et avec
un nouveau salut, ayant observé que la Porte-Mars était occupée par des soldats
espagnols, et aucun d’entre nous ne parlant leur langue, nous avons pensé nous
faire mieux entendre des Français naturels en nous adressant à une autre porte.
    Maugré qu’il gardât un air d’insolente hautesse, je vis bien
que cette réponse déconcertait le baron, ne sachant s’il devait y discerner
rebuffade et gausserie, ou l’attribuer à ma simplicité. Tant est que n’arrivant
pas à décider, il rempocha son grief et dit d’un air fort rogue :
    — Monsieur, le commandement du duc du Rethelois (c’est
ainsi que le faquin appela Saint-Paul) ne souffre pas d’exception. L’escorte du
marquis de Quéribus n’entrera point dedans nos murs. Et ledit marquis ne sera
lui-même admis qu’avec quatre de ses gens. Sergent, ajouta-t-il, le verbe bref
et le geste impérieux, raccompagnez incontinent ce gentilhomme à la porte
piétonnière, afin qu’il instruise M. de Quéribus de cette décision.
    Cela fut dit d’un ton dont j’eusse en toute autre occasion
demandé raison. Mais hélas, il ne s’agissait point de forcer le sanglier dans
sa bauge, mais d’avoir accès au duc de Guise, ce dont, à vue de pays, je
commençais à craindre de faillir.
    Mon Quéribus, qui s’impatientait à faire le héron au bord
des douves, s’encoléra comme fol à ouïr de ma bouche le repoussis de notre
escorte, étant fort renfroigné à l’idée de se présenter à son cousin le duc
avec une suite si maigrelette que même un bourgeois en eût rougi. Je n’envisageai
pas la chose du même œil. Sans nos hommes, Quéribus se voyait nu. Sans eux, je
me voyais désarmé. Mais à la parfin, je l’assouageai et lui réitérant mes
insistantes prières de me confier le ménage et manège de nos ennemis, je le
persuadai de laisser bivouaquer nos arquebusiers sous les murs de Reims, et
d’entrer avec quatre de nos gens. Il choisit deux gentilshommes. Je choisis
Pissebœuf et Poussevent et, avec l’agrément de Quéribus, je confiai l’escorte
au commandement de M. de La Surie, lequel fut au désespoir de me
laisser pénétrer seul dans la gueule du loup, mais entendit bien qu’il serait,
dans les occasions, notre recours et rescous, et d’autant que je le garnis
abondamment en pécunes, afin qu’il pût acheter les complaisances, et se peut, les
complicités des milices qui surveillaient la Porte Ouest, ne doutant pas que sa
naturelle adresse pût tirer prou de ce commerce. À la parfin, après je ne sais
combien de fortes brassées, de toquements d’épaule et de dos, et de poutounes
sur nos rêches barbes, on se quitta, la gorge fort nouée quant à moi, et quant
à lui, la larme au bord du cil.
    Le baron de La Tour, au vu du marquis de Quéribus, lui fit,
à l’espagnole, un salut des plus maigres, auquel Quéribus squelettiquement
répondit, et nous entourant aussitôt d’un fort peloton d’arquebusiers
castillans, nous conduisit dans un dédale de rues (dont je pris grand soin,
toutefois, d’étudier en cheminant la configuration) jusqu’à une grande maison
de fort bonne apparence, où il nous logea au deuxième étage.
    — Messieurs, dit-il, le ton rogue et la crête haute,
cet étage est à vous, et vous n’y manquerez de rien. Mais gardez-vous de
descendre au rez-de-chaussée, ni de vouloir saillir ès rues : vous ne
trouverez devant vous que soldats castillans, lesquels, n’entendant pas votre
langue, ne vous laisseront pas passer.
    — Monsieur ! s’écria Quéribus avec indignation,
dois-je entendre que nous sommes prisonniers et qui pis est, gardés par des
Espagnols ?
    — Pas précisément, Monsieur, dit le baron de La Tour
avec la dernière froidure. Mais s’agissant de gentilshommes qui viennent d’où
vous venez et servent qui vous servez, il y faut quelques précautions, du moins
tant que le duc ne vous aura pas entretenus.
    — Et quand, Monsieur, verrons-nous le duc ? dis-je
du ton le plus uni, ne voulant pas laisser mon Quéribus s’indigner plus outre.
    — Mais ce jour d’hui même, Messieurs, dit La Tour

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