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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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c’est Anne, la mère de
Marie.
    — Sa mère ! dit Poussevent qui pour une fois se
rebéqua contre l’infaillibilité de Pissebœuf. Sa mère, compain ! As-tu vu
sa face fraîchelette ?
    — Les saintes ne vieillissent pas, dit Pissebœuf avec
autorité. C’est là le bon d’être une sainte. A-t-on jamais représenté Marie
autrement que jeune et belle, alors qu’à la mort de son fils elle avait près de
cinquante années.
    — Quand même ! dit Poussevent. Si Anne il y a,
elle est bien accorte, vu son âge. Mais la mignote à sa senestre, cap de
Diou ! Que voilà un friand morceau !
    — Celle-là, dit Pissebœuf, à voir la petite coupe de
parfum en sa main dont elle asperge Jésus, doit être Marie-Madeleine, la
folieuse.
    — Une folieuse ! dit Poussevent. Une folieuse
céans ! Que dévergognés sont ces papistes de placer en leur temple une
garce qui vendait son devant ès étuves ! Et d’autant que son corps de
cotte est décolleté si bas qu’il montre la moitié de son mignon tétin !
    Ce disant, il battit son briquet, et avançant la flamme,
envisagea à loisir l’objet de son indignation, et ne put qu’il n’avançât,
quoique hésitante et trémulente, la main pour en acertainer le contour.
    — Fi donc, Poussevent ! dit Pissebœuf, me voyant
jeter un œil de leur côté. Même papiste, un temple est un temple,
Mordiou ! Et c’est le profaner que d’y nourrir un pensement
paillard !
    — Et davantage encore d’y jurer le saint nom de Dieu,
même en oc ! dit M. de La Surie avec le ton et quasiment la
voix qu’eût pris le pauvre Sauveterre pour gourmander nos gens.
    — Holà ! Quelqu’un vient ! dit Poussevent.
    C’était le messager de Péricard, lequel, m’accostant, me
remit un billet de son maître, en me priant à l’oreille de le détruire dès que
je l’aurais lu. Je le dépliai, mais dus battre le briquet pour en distinguer le
contenu.
     
    Monsieur le
Marquis,
     
    M. de Mayenne est advenu peu après votre départir
avec cent cinquante hommes, lesquels sont de présent dedans nos murs.
Toutefois, on nous a rapporté que Saint-Paul, hier soir, avait prononcé des
paroles fort hautaines sur les demandes de M. de Guise et qu’il avait
commandé à toutes ses troupes de gens de guerre, notamment à celles de
Mézières, où il a fait ériger une forte citadelle, de s’acheminer vers Reims,
désirant les y faire entrer sur l’après-dîner, afin que de tenir la bride au
col, et aux Rémois, et à M. de Guise.
    M. de Guise est donc résolu d’agir sans délayer
plus outre. Et M. de Mayenne voulant ouïr la messe ce matin à
l’abbaye de Saint-Pierre-les-Dames dont l’abbesse, M me  Renée de
Lorraine, est sa tante, c’est donc là que le duc de Guise doit renouveler
ses demandes à Saint-Paul, après messe, en le raccompagnant à son logis du
cloître Notre-Dame. De grâce soyez-y. Votre humble et dévoué serviteur.
    Péricard.
     
    Ayant lu, je tendis le billet à
M. de La Surie, mais sans le lâcher, pour qu’il le lût aussi à
la flamme de mon briquet, et dès qu’il eut fini, j’approchai ladite flamme du
papier, ne le lâchant que lorsque le feu me lécha les doigts.
    — Mon ami, dis-je au messager, dis à Péricard que nous
y serons. Et là-dessus je lui baillai un sol. Libéralité que
M. de La Surie blâma, la trouvant inutile, le gautier n’ayant
fait qu’obéir à son maître.
    Une fois atteinte l’abbaye de Saint-Pierre-les-Dames (ainsi
appelée, me dit le guide, pour ce que des religieuses bénédictines y
logeaient), je pénétrai en l’église et postai ma petite troupe assez près de
l’huis pour la faire saillir hors promptement, le ite missa est à peine
prononcé.
    Je n’eus du reste pas à attendre prou pour voir nos grands
survenir, M. de Mayenne arrivant, chose surprenante, bon premier,
mais en litière, marchant difficilement, étant bedondainant, goutteux et même
podagre, combien qu’il fût mon cadet, ayant à peine quarante ans. Mais il
mangeait à gorge gloute, en outre, tôt couché, tard levé, il dormait comme
marmotte, tant est que Henri Quatrième disait de lui pour expliquer qu’il l’eût
toujours battu en ses guerres : « Mon cousin Mayenne est un grand
capitaine, mais je me lève bien plus matin que lui. »
    Encore que Mayenne, depuis l’assassination de ses frères au
château de Blois, fût le chef incontesté de la Ligue et par la grâce des
Parisiens révoltés

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