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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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lieutenant général de France, il était fort mal vu des Seize depuis qu’il avait fait pendre ceux d’entre eux qui avaient trempé dans
l’exécution du président Brisson. Et depuis ce jour, en leurs houleuses délibérations,
ils ne l’appelaient pas autrement que « ce gros pourceau de Mayenne qui
s’apparesse sur sa putain ».
    Quant aux Espagnols qui, au nom de la Sainte Ligue, étaient
censés le soutenir de leurs armes et de leurs pécunes, leur aide s’avérait
parcimonieuse et réticente pour la raison qu’ils le suspicionnaient de se
vouloir rallier au roi. Ce que Mayenne eût fait, de reste, dès la conversion de
mon maître, si le roi avait consenti à le confirmer dans cette lieutenance
générale du royaume qu’il tenait de sujets rebelles, et non de son souverain.
Quant au populaire qui avait adoré François son père, et Henri son frère, pour
ce qu’ils étaient grands, élégants, la taille fine, les manières aimables et la
face belle, il n’aimait guère ce duc tonneau, renfroigné, imbu de son sang et
de son rang, et fort chiche en salutations et en libéralités. Cependant,
Mayenne ne manquait ni d’esprit, ni de renardière ruse, ni de sagesse
militaire, ni de finesse politique. Mais ne croyant à rien qu’à son intérêt
propre, son ambition même était petite, passive, irrésolue, et pour ainsi
parler, paralysée par sa goutte et engluée dans le gras de sa chair.
    À peine se fut-il assis au premier rang à la dextre de sa
tante abbesse, dans un cancan préparé tout exprès pour lui (car ses fesses
eussent débordé d’une chaire ordinaire et elles en eussent menacé la solidité),
que j’ouïs quelque noise à l’entrée dont je ne pus percevoir la cause, une
colonne me la cachant. Je vis fort bien, en revanche, s’avancer au milieu de la
nef, au côte à côte et tous deux de même taille, Guise et Saint-Paul, le vrai
duc et le faux, chacun des deux attentant sournoisement de devancer l’autre et
de se présenter premier au premier rang : ridicule empoignade dont je ne
vis pas l’issue, mais qui me ramentut ma quinzième année et ma rentrée à
l’École de médecine en Montpellier, quand le chancelier Saporta et le doyen
Bazin luttèrent à celui des deux qui écrirait son nom le plus près de la
dernière ligne de l’ ordo lecturarum [10] , afin
que le nom de l’un, venant avant le nom de l’autre, établît aux yeux de tous la
prééminence de sa fonction. Il est vrai que si âpre que fût la lutte, l’enjeu
ne tirait guère à conséquence, ni Saporta ni Bazin, la Dieu merci, ne portant
épée au côté, et ne se pouvant pourfendre qu’avec la langue ou la plume.
    Un je-ne-sais-quoi de roide dans l’allure de Saint-Paul me
donnant quelque suspicion, je me glissai, quand la messe fut proche de sa fin,
jusqu’aux côtés de Péricard, et lui soufflai à l’oreille :
    — Dites à votre maître d’acertainer si Saint-Paul ne
porte pas une cotte de mailles avant de le quereller.
    Péricard fit « oui » de la tête. Je regagnai ma
place à côté du bénitier, et comme la messe était achevée, les deux ducs
repassant non loin de nous dans la travée centrale, je vis Guise se laisser
devancer par Saint-Paul, tendre l’oreille à ce que lui murmurait Péricard,
faire « oui » du chef, et la face imperscrutable, accepter l’eau
bénite que Saint-Paul lui offrait chrétiennement du bout des doigts.
    Si prompts que nous fussions pour saillir de l’église après
eux, nous fûmes devancés par quelques-uns de la suite de Guise, la suite
de Saint-Paul nous marchant quasi sur les talons, emmenée par le baron de La Tour,
à la tête de quelques Suisses. Le baron avait l’air assez déquiété (se peut en
raison de l’assassination de son Bahuet) et je le fus moi-même à la vue de ses
Suisses, que je signalai de l’œil à Pissebœuf, comme étant le plus gros morcel
que les nôtres auraient à mâcheller, si l’affaire tournait comme on pouvait
s’apenser.
    Pour moi, je poussai effrontément au premier rang de la
suite de Guise, où je trouvai mon Quéribus marchant entre deux
gentilshommes que bien je connaissais : François d’Esparbès et le vicomte
d’Aubeterre (depuis maréchal de France) lequel, ne me reconnaissant point en
raison de ma vêture, et indigné de se voir au coude à coude avec un capitaine,
se retourna et dit avec hauteur :
    — Tudieu ! Que nous veut celui-là ? Et que
fait-il céans ?
    À quoi Quéribus lui

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