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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pouvait faillir à renvoyer dans les Flandres les deux cents
arquebusiers castillans qui tenaient le château de la Porte-Mars.
    Le duc de Guise, voyant que Quéribus et moi-même
restions, par fidélité au roi, quelque peu à l’écart de la cour révérentielle
dont Mayenne était l’objet, vint à nous, et avec les manières aimables et
pétulantes qu’il tenait de sa mère, nous prit chacun par le bras, et nous
entraîna dans une embrasure de fenêtre, où il nous fit des caresses
innumérables pour le rollet providentiel que nous avions joué depuis notre
advenue à Reims, fortifiant sa résolution, sauvant la vie de Péricard, et quant
à moi, sauvant la sienne au cours du chamaillis.
    — Siorac, me dit-il en me donnant une forte brassée et
la larme au bord du cil, ma vie est la vôtre, puisque vous l’avez préservée.
Disposez d’elle, je vous en supplie, d’ores en avant : mes amis, mes
alliances, mes biens, mon épée, tout est à vous. Il n’est rien que vous
puissiez quérir de moi sans que je vous le baille sur l’heure.
    Je n’ignore pas ce que vaut l’aune de ces compliments de
cour qui tant plus sont hyperboliques, tant vite tombent dans l’oubli – bulles
qui crèvent quasiment le jour même où elles sortent du bec – mais
connaissant les us, et saluant profondément le prince, je lui fis des mercis à
l’infini de ses merciements, protestant pour lui de ma perdurable amour. Tant
est, belle lectrice, que vous auriez cru ouïr «  mutatis mutandis [11]  » un galant soupirer aux pieds
de sa mignote.
    Péricard me sauva de ce langage rhétorique en survenant et
en disant au duc, non sans quelque déquiétude sur sa belle et honnête face, que
la populace, se voyant maîtresse de la rue, avait enfoncé les portes du logis
de Saint-Paul et pillait tout, nouvelle qui m’émut fort, et tout autant que
Quéribus, mais point pour les mêmes raisons.
    — Pardieu ! dit le duc, en gaussant. Laissez
faire ! Qu’au moins la commune ait cette picorée-là, ayant tout pâti de ce
tyran ! Pour moi, n’était qu’elle se trouve accolée au cloître, je ne
voudrais pas qu’il restât pierre sur pierre de cette maison-là !
    — Hé ! Monsieur mon cousin ! s’écria Quéribus
fort exagité, vous n’y pensez pas ! Peu me chaut tous les biens mis bout à
bout de M me  de Saint-Paul, mais pour nous, nous avons
dedans le logis tous nos grands chevaux et, au deuxième étage, nos bagues,
lesquelles, nous étant évadés, nous n’avons pu emporter. Et je doute que la
commune, en pillant, fasse la différence entre ce qui est à la veuve et ce qui
est à nous.
    — En outre, dis-je, M me  de Saint-Paul,
étant née Caumont d’une très ancienne famille périgordine, se trouve être ma
parente et je lui ai, au surplus, de grandes obligations d’amitié, puisqu’elle
m’a confié la clef que voilà (ce disant je la tirai de mes chausses) sans
laquelle je n’eusse pu ni saillir de geôle, ni secourir Péricard, ni vous
servir, Monseigneur. Devant ma liberté à M me  de Saint-Paul,
je lui ai fait le serment de travailler à la sienne, son mari étant vif, et
après sa mort, je ne peux que je n’attente de voler à son rescous, si vous m’en
donnez le congé, afin que de la sauver, elle et son bien, du pillage de la
populace.
    Je vis fort bien, à la mine du prince, qu’il était
rechignant assez à ce que la femme de son ennemi s’en tirât à si bon compte,
emportant même avec elle ce petit cabinet qui contenait, avait-elle dit, une
fortune des plus conséquentes. Mais ses protestations de me servir en toute
occasion étaient trop fraîchement envolées de sa bouche – voletant encore
dans l’air aux alentours de nos oreilles – pour qu’il pût contrefeindre de
les avoir si tôt oubliées. Par surcroît, ce que j’avais dit de la parentèle de
M me  de Saint-Paul n’avait pas laissé de faire quelque
impression sur lui.
    — J’ignorais, dit-il, que M me  de Saint-Paul
fût si bien née. Il va sans dire que cela change tout et que je ne pourrais,
moi duc de Guise, la laisser dépouiller par ces marauds sans offenser une
noble famille. Siorac, vous avez raison. Vous avez même deux fois raison,
puisque votre raison vous vient tout dret du cœur. Courez, Marquis. Courez
rassembler vos hommes. Je vous donne Péricard pour vous assister, et tous ceux
de ma suite qui vous seront nécessaires.
    Je pris le temps d’armer en guerre et moi-même et

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