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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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sa
chambre.
    Étendu sur le lit, incapable de lire comme de penser, il se
laissa glisser miséricordieusement dans le cocon nuageux de l’épais matelas de
plume, jusqu’au néant.
    Il émergea dans une obscurité déroutante, réveillé par des
coups si violents et si insistants – la porte en tremblait sur ses
gonds – qu’ils semblaient surgis d’un rêve et matérialisés par la seule
force de leur volonté. Liberty parvint à se redresser et à croasser un
faible : « Oui ?
    — C’est Asa.
    — Entrez. » Il s’aperçut qu’il s’était couché sur
les draps encore tout habillé, sans enlever ses bottes crottées. « Je vous
en prie, monsieur, veuillez m’excuser. Dans mon épuisement, je crois que j’ai
sali les draps sans le faire exprès.
    — Ne vous en faites pas pour ces conneries, répliqua
Maury. Tout à l’heure, je vous ai promis une surprise, et je viens tenir
parole. »
    Liberty pivota, posa les pieds par terre. « Comment va
Ditey ?
    — Comme elle doit aller, ni plus ni moins. À présent,
taisez-vous et suivez-moi. »
    Il le conduisit à une porte anonyme au bout du couloir, du
côté opposé à la chambre de Grand-mère ; la porte était verrouillée de
l’extérieur. « Elle contient des objets précieux », expliqua-t-il dans
un aparté alcoolisé : c’était la première fois qu’un véritable
enthousiasme colorait ses manières depuis ses laïus pompeux sur le cerveau
humain. Il poussa la porte, s’inclina devant Liberty d’un geste théâtral et
insista : « Après vous. »
    La chambre tout entière avait été transformée en un cube
aveuglant de blanc pur : chaque surface visible, du sol au plafond, d’un
mur à l’autre, était généreusement recouverte de plusieurs couches de chaux,
effet spectaculaire renforcé par les dizaines de bougies éparpillées sur le
plancher au hasard, à l’exception d’une double rangée impeccable qui formait un
chemin de lumière du seuil jusqu’au lit d’acajou, seul meuble de la pièce, orné
de draps frais et tendu d’une infinie voilure de mousseline bouillonnante.
Devant ce monstrueux objet, ce vaisseau pour lequel, malgré les apparences, le
temps idéal ne serait jamais clément, posait une jeune fille, plus jeune encore
que Liberty, également drapée de mousseline immaculée, quoique en quantité
insuffisante pour dissimuler complètement sa nudité. Elle portait sur la tête
une couronne improvisée de boules de coton, et sa main droite tenait une houe
rouillée en guise de sceptre. Son visage lisse et luisant était parfaitement
vide, ses yeux deux gouffres insondables.
    « Liberty, proclama Grand-père avec une solennité
presque intimidée, et en appelant pour la première fois son petit-fils par son
prénom, je vous présente Servitude. » Il eut un geste d’impatience, auquel
la jeune fille réagit aussitôt par une légère révérence : du même coup,
elle laissa tomber la houe, qui tomba bruyamment par terre en renversant
plusieurs bougies.
    « Par le Christ empalé ! s’écria Maury en se
précipitant pour réparer les dégâts. Tu n’as donc pas de cervelle, petite
conne ? Mettre le feu à la maison, baiser sur le tapis du salon, chier
dans le puits, tout ça, pour toi, c’est du pareil au même, hein ? Oh, je
devrais te… » Elle se recroquevilla en prévision du coup. « Tu
aimerais bien que je te frappe, n’est-ce pas ? Pour prouver à cet inconnu
que ton maître n’est qu’un ogre cruel. Eh bien, cet inconnu est déjà au
courant, et il n’a pas de leçons à recevoir de…
    — Je vous en prie, intervint Liberty. Voulez-vous bien
cesser de harceler cette jeune fille ?
    — C’est ma fille, annonça aimablement Maury. Et
je la traiterai comme je le juge bon. Le voilà, le secret de la soirée :
et ce n’est pas exactement le morceau de bravoure que je vous avais fait
miroiter.
    — Allez-vous enfin me dire, demanda Liberty exaspéré,
ce que signifie cette mascarade fastidieuse ?
    — C’est pourtant évident ! Je veux que vous y
plantiez votre graine.
    — Pour étudier le résultat ?
    — Oui, pour étudier le résultat. Vous savez, j’ai déjà
eu un aperçu mental du fruit d’une si noble union. Je prévois un rejeton gâté
par la nature, aux proportions impeccables, à l’intelligence vigoureuse, au
caractère exemplaire, et, faut-il le préciser ? d’une carnation
immaculée : l’héritier de notre avenir, le fruit ultime de mes

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